Une récente série de coups d’État dans les pays d’Afrique de l’Ouest a ravivé les discussions sur la persistance du colonialisme français sur le continent.
Le Mali a ouvert la voie en 2021, suivi par le Burkina Faso, le Niger et maintenant le Gabon qui a rejoint les rangs des pays se révoltant contre les dirigeants soutenus par la France qui aidaient Paris à exploiter les richesses de l’Afrique. Alors que les médias occidentaux décrivent ces coups d’État comme des coups d’État violents contre des gouvernements démocratiquement élus, la réaction des populations africaines elles-mêmes donne une image différente. Après chaque coup d’État, les citoyens descendent dans la rue, exprimant leur espoir et leur enthousiasme pour une nouvelle ère de prospérité. Ces scènes peuvent choquer des millions de personnes dans le monde qui pensent que l’ère du colonialisme est révolue. Pourtant, la réalité est bien différente.
La France a conclu des “accords de coopération” avec les pays d’Afrique de l’Ouest après leur avoir accordé l’indépendance. En vertu de ces accords, les pays africains n’ont pas le droit de vendre leurs ressources à un pays autre que la France sans l’autorisation de Paris. En outre, ils doivent déposer leur argent et leur or au Trésor français, ce qui ne leur laisse qu’un contrôle minimal sur l’utilisation de ces actifs. Ils doivent également utiliser le franc CFA, qui rattache leurs monnaies à la monnaie française.la colonisation de l’Afrique par la France n’existe peut-être plus sous la forme d’un esclavage et d’un meurtre flagrants comme autrefois, mais elle existe toujours d’une manière plus profitable. Alors que la France aime à dire au monde que les pays africains sont restés engagés dans les soi-disant accords de coopération par choix, lorsque la Guinée a décidé de quitter le système colonial, Paris a essayé de montrer l’exemple en s’assurant que l’économie du pays “ne se relèverait jamais”.
Dans ce numéro de notre journal, nous examinerons comment la France continue d’exploiter les pays d’Afrique de l’Ouest tout en se posant hypocritement en défenseur des droits de l’homme.
Mali : Ouvrir les portes
Le Mali a été le premier pays d’Afrique de l’Ouest à se révolter contre le colonialisme français moderne. Malgré le récent coup d’État, les entreprises françaises sont toujours très présentes au Mali, mais souvent par l’intermédiaire de filiales africaines, et dans des secteurs tels que l’eau et l’assainissement, la construction, l’énergie, les équipements agricoles, les TIC, les services militaires et les services de santé. C’est là que l’on trouve des entreprises comme Orange, BNP, Ubifrance, Air Liquide et TOTAL qui disposent d’une quarantaine de stations-service. Le Mali est également important pour la France en raison de son or. Le territoire malien compte 7 grandes mines d’or, notamment près de la frontière avec le Sénégal.
Niger : la vie des centrales nucléaires françaises
Le Niger a fait la une des journaux ces derniers mois en raison du coup d’État mené par l’armée pour renverser le gouvernement de Mohamed Bazoum, soutenu par la France. Paris et les autres pays africains contrôlés par la France au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest semblent envisager une éventuelle intervention militaire au Niger pour rétablir le gouvernement de Bazoum. Mais pourquoi le Niger est-il important pour la France ?
La réponse concerne la principale entreprise française d’énergie nucléaire, Areva, aujourd’hui appelée Orano. Un tiers de la production d’Orano provient de l’uranium extrait de deux mines actives au Niger. Il est également important de noter que 45 % des actions d’Orano sont détenues par l’État français lui-même.
Burkina Faso : Bandes d’or autour des doigts français
Le Burkina Faso est le sixième producteur d’or en Afrique, après le Ghana, le Soudan, l’Afrique du Sud, la Guinée et le Mali. L’or domine l’exploitation minière industrielle. Le Burkina Faso compte actuellement plus de 600 sites d’exploitation artisanale de l’or en activité et emploie plus d’un million de personnes. Beaucoup de ces personnes travaillent dans des conditions extrêmement dures et inhumaines. Les employeurs, principalement français, exploitent ainsi des tonnes d’or. La France aurait pillé 39 tonnes d’or du Burkina Faso en 2016, 36 tonnes en 2015, 36 tonnes en 2014, 33 tonnes en 2013 et 29 tonnes en 2012, par le biais des forces qu’elle a déployées dans le pays “pour lutter contre le terrorisme”.
Guyane : un pays riche et pauvre
Les indicateurs économiques et sociaux de la Guinée contrastent totalement avec les richesses naturelles dont dispose le pays. En effet, la Guinée dispose d’une énorme richesse hydrographique (on l’appelle le château d’eau de l’Afrique), et d’un énorme potentiel minier (elle possède un tiers des réserves mondiales de bauxite, minerai destiné à la fabrication de l’aluminium, de l’or, du diamant, du manganèse, du zinc, du cobalt et du nickel). La France possède également des gisements d’uranium et de minerai de fer.) La France est le premier exploitant des ressources de la Guyane et, bien qu’elle s’approvisionne en minerai d’aluminium, en riz et autres fruits et noix transformés dans le pays, elle estime que la Guyane possède des “richesses largement inexploitées” que Paris devrait prendre en compte.
Bénin : Le prochain grand projet de la France
Le Bénin est riche de diverses ressources naturelles. Il possède des réserves de pétrole offshore dans le golfe de Guinée, des réserves de gaz naturel qui sont extraites et utilisées pour produire de l’énergie, des gisements de minéraux tels que le calcaire, le marbre, l’argile et l’or qui sont utilisés dans la construction, la fabrication, la production de bijoux, ainsi qu’une variété de minerais. Une gamme de ressources agricoles comprenant le cacao, l’huile de palme, le café, le maïs, les pommes de terre, le manioc et divers fruits et légumes, ainsi que des forêts qui fournissent des ressources en bois, et des gisements de phosphate qui sont utilisés dans la production d’engrais. Bien qu’il y ait des dizaines d’entreprises françaises actives au Bénin, le gouvernement béninois, soutenu par la France, envisage d’accueillir davantage d’entreprises françaises pour “soutenir l’industrialisation”.
Gabon : le cœur de l’arsenal français
Le Gabon est un important fournisseur de pétrole et d’uranium. L’uranium du Gabon est directement destiné à l’arsenal nucléaire français. Le pays est également le deuxième producteur mondial de manganèse, utilisé dans la production d’acier et de batteries.
Au moins 80 ressortissants français sont actifs dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, où ils exploitent le pétrole, le manganèse et d’autres produits. La plupart d’entre eux ont été contraints de cesser leurs activités depuis le coup d’État du mois d’août. Parmi les plus grands groupes français présents sur le site, le groupe minier Eramet a d’abord suspendu ses activités d’extraction et de transport ferroviaire, mais prévoit de les reprendre prochainement.
Le Togo : déchiré entre les grandes puissances
Le Togo était à l’origine une colonie allemande, mais au cours de la Première Guerre mondiale, la France et la Grande-Bretagne se sont partagé la région après une invasion sanglante. Il a finalement obtenu son indépendance en 1960.
Il y avait environ 50 filiales françaises au Togo en 2019. Les secteurs dominés par les entreprises françaises sont la logistique, l’agriculture, l’agroalimentaire, la construction et l’énergie. Ce que le Togo retire de l’activité de toutes ces entreprises ne dépasse pas 27,9 millions d’euros par an. Les recettes du Togo ne s’élevaient qu’à 9,4 millions de dollars en 2015, alors que les entreprises françaises y sont présentes depuis l’indépendance du pays.
Côte d’Ivoire : théâtre de deux guerres civiles
Les premiers Européens à s’installer en Côte d’Ivoire ont été les Français, qui ont conservé leur influence sur le pays au fil des ans. Nombreux sont ceux qui pensent que les deux tragiques guerres civiles qui ont ravagé la Côte d’Ivoire en 2002 et 2011 ont été causées par les politiques imposées par la France à la population locale.
Les Français ont également signé plusieurs traités de protection avec les chefs traditionnels et les rois de ce pays d’Afrique de l’Ouest depuis qu’ils y ont mis les pieds. Paris gère directement les plantations de café, de cacao et de bananes en Côte d’Ivoire. Actuellement, les Français tirent d’énormes quantités de bois, d’or et d’huile de palme des ressources de ce pays d’Afrique de l’Ouest.
Le Cameroun : Un passé “douloureux et tragique”
Le Cameroun a longtemps souffert de la domination oppressive du colonialisme français. Cependant, de nombreuses preuves des atrocités commises par les généraux français et leurs complices contre la population pauvre et sans défense ont été effacées. L’actuel président français lui-même a qualifié l’histoire coloniale du Cameroun de “tragique et douloureuse”.
Aujourd’hui, la France poursuit sa colonisation du Cameroun par d’autres moyens. Environ 200 entreprises (filiales de groupes français ou entreprises détenues par des citoyens français) sont actives au Cameroun en 2022. Les principaux secteurs d’activité dans lesquels opèrent les entreprises françaises sont l’énergie, l’agriculture, le bois, le transport et la logistique, les activités financières, la communication et la distribution alimentaire.
Tchad : perte de culture
Le bien le plus important que la France a volé au Tchad est la culture du pays. En se retirant de ses colonies africaines, la France leur a imposé deux conditions. Premièrement, le français deviendra la langue officielle du pays et deuxièmement, l’enseignement dans des écoles conçues en France deviendra obligatoire. Lorsque le Tchad a accédé à l’indépendance, seuls 2 % environ des habitants parlaient français.
Actuellement, le pétrole, l’or, le natron, l’uranium, le calcaire, le sable, le gravier, le kaolin et le sel sont exploités dans le Tchad africain par des entreprises françaises qui opèrent librement grâce à l’importante présence militaire de Paris.
Mauritanie : une terre oubliée
Les chercheurs africains estiment que la France a modifié le cadre social traditionnel de la Mauritanie en approfondissant et en institutionnalisant les divisions ethniques et en perturbant les systèmes de pouvoir établis de longue date. Même le nom donné aujourd’hui au pays est un terme inventé par les Français. Les Africains de Mauritanie, qui appelaient autrefois leur terre Chinguetti, ont été contraints de perdre presque tous les aspects de leur identité.
Une soixantaine d’entreprises françaises sont actuellement présentes en Mauritanie, dont certaines filiales de groupes français. Elles sont actives dans divers secteurs (énergie, construction, logistique, banque et autres services) et emploient au moins 3 000 Africains qui travaillent dans des conditions douteuses.
Sénégal : la plus ancienne colonie d’Afrique noire
La première colonie française permanente en Afrique de l’Ouest a été fondée en 1659 à Saint Louis, à l’embouchure du fleuve Sénégal.
Le Sénégal est considéré comme l’un des pays les plus riches d’Afrique en termes de ressources naturelles. Le pays dispose d’abondantes ressources en pétrole, or, argile, minerai de fer, phosphate et sables minéraux. Des dizaines d’entreprises africaines, semblables à celles d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, sont installées au Sénégal et dominent toutes les industries rentables du pays africain. Le peuple africain sénégalais a du mal à s’en sortir tandis que la France continue à percevoir des dollars noirs sur les richesses du Sénégal.
Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement l’opinion du site Maghreb Arab News, mais expriment exclusivement l’opinion de son auteur.