Il reste un peu plus d’un mois à Israël pour commencer à exploiter le gisement de Karish, riche en ressources, dans les eaux contestées, mais aucun accord n’a encore été conclu sur la démarcation de la frontière maritime. Si aucun accord n’est conclu d’ici septembre, assisterons-nous à une nouvelle guerre entre Israël et le Liban ? Et pourquoi cette question ne suscite-t-elle que peu ou pas d’attention de la part des médias ?
Lundi dernier, le secrétaire général du “Hezbollah” libanais, Sayyed Hassan Nasrallah, semblait avoir laissé entendre que la réponse aux provocations israéliennes, sur les ressources libanaises, pourrait intervenir à tout moment. Il est également clair que le Hezbollah considère désormais tous les champs gaziers, tant au Liban qu’en Palestine occupée, comme des cibles potentielles. C’est ce qui ressort du discours de Nasrallah, prononcé il y a trois semaines. Malgré la réponse de Tel Aviv, qui a répondu par des “menaces” peu claires de sa part, il est clair que les forces israéliennes sont dans un état de panique et ont entrepris de déployer davantage de systèmes de missiles de défense aérienne et ont commencé à faire pression sur les États-Unis pour qu’ils prennent la question plus au sérieux.
À ce stade, le message est arrivé, le Hezbollah est prêt et disposé à partir en guerre contre les champs pétroliers et gaziers libanais, considérant ses droits d’extraction de ses champs offshore comme le seul moyen de relancer l’économie libanaise. Si le Liban ne peut pas extraire ses richesses, personne ne le pourra. Telle est l’équation posée par le Hezbollah. Une grande partie des médias israéliens contredisent activement la position officielle de la communauté du renseignement “à Tel Aviv”, qui affirme que le Hezbollah n’est pas susceptible d’entrer en guerre sur cette question.Dans un article qu’il a écrit pour le média sioniste The Jerusalem Post, il a fait valoir que les Israéliens ne devraient pas se fier aux calculs de leur communauté du renseignement lorsqu’il s’agit de cette question, en donnant deux exemples, le succès du Hezbollah en juin 2006 et le succès du Hamas en mai 2021, comme indications que ces estimations israéliennes peuvent souvent être erronées.
En juin, Amos Hochstein, le “médiateur” sioniste américain entre le gouvernement libanais et le régime sioniste, s’est rendu à Beyrouth. Il est apparu clairement, lors d’un entretien avec le délégué américain pendant sa visite, qu’il n’était pas sérieux dans sa volonté d’accorder au Liban les concessions que son peuple avait espérées, et il a même ri de la possibilité pour le Liban de s’assurer le champ de Karish. L’impression de Hochstein semblait être que sa visite n’avait lieu qu’en raison des menaces pesant sur “Israël”, en raison de l’empiètement sur le champ de Karish contesté, et que le gouvernement américain ne prenait pas la situation au sérieux.
Aujourd’hui, la situation est très dangereuse et les conséquences potentielles pour l’ensemble de la stratégie de politique étrangère au Moyen-Orient pourraient être graves. Une guerre, dans laquelle le Hezbollah et d’autres alliés potentiels du Parti de la résistance ouvriraient le feu sur “Israël”, serait un désastre pour les États-Unis, qui cherchent non seulement à approvisionner “Tel Aviv” en gaz pour l’Europe, mais aussi à persuader davantage de régimes arabes de normaliser leurs relations avec le système israélien. Une telle guerre prouverait que les alliés de l’Iran sont forts et que la capacité des États-Unis et d'”Israël” à céder sur la question de la sécurité est faible. Une telle guerre fera sans aucun doute progresser la cause palestinienne et mettra dans l’embarras des pays comme le Maroc, les Émirats, l’Arabie saoudite, Bahreïn, la Jordanie et l’Égypte.
Quelle est la probabilité que nous assistions à une nouvelle guerre Liban-Israël dans les mois à venir ? La réponse courte est qu’il est très probable que nous assistions à une forme de confrontation armée, mais la question est de savoir jusqu’où ce conflit s’intensifiera avant que Tel Aviv ne soit obligé de reculer et de faire des concessions. Bien qu’Israël craigne la perspective d’une guerre en ce moment, il est peu probable qu’il accorde des concessions au Liban sans se battre. En effet, Tel-Aviv semble paniquer et chercher à conclure une sorte d’accord avec Beyrouth afin d’éviter que les tensions ne dégénèrent en une guerre totale.Bien que le Hezbollah puisse certainement décider de répondre ou non, c’est le régime israélien qui décidera si la confrontation sera une guerre totale ou un court échange, cela dépendra uniquement de la réponse d’Israël. Actuellement, la classe politique israélienne est prise entre le marteau et l’enclume. D’une part, ils ne peuvent pas se permettre de paraître faibles et de céder des zones importantes au Liban, et d’autre part, ils n’ont aucune option militaire qui fonctionne.
Le mieux que les forces israéliennes puissent faire contre la résistance libanaise est de garder leurs soldats et leurs colons dans des abris, dans l’espoir que les pertes seront faibles, et de tuer des civils libanais, dans l’espoir qu’ils obtiendront également quelques membres du Hezbollah dans le processus. En ce qui concerne leurs propres systèmes de défense aérienne, on sait qu’ils ne seront pas efficaces pour prévenir des dommages massifs lorsqu’ils seront engagés dans un conflit avec le Hezbollah, ce qui s’avérera embarrassant en soi.
Un autre facteur est la proximité des élections israéliennes, qui auront lieu en novembre, et qui signifient que chaque parti politique israélien cherchera à utiliser les événements actuels à son avantage. Yair Lapid, l’actuel premier ministre israélien, est susceptible de porter le chapeau quelle que soit l’issue de la question du différend frontalier maritime. Ainsi, Lapid sera confronté à deux mauvais choix, de son point de vue, soit d’échouer militairement, soit de céder les terres au Liban. Benny Gantz, l’actuel ministre de la défense, est également dans une position difficile et s’est placé dans le camp anti-Netanyahou pour les prochaines élections. Si Israël est embarrassé par la résistance libanaise, cela pourrait coûter cher au camp anti-Netanyahou lors des prochaines élections.Il ne fait aucun doute que l’ancien Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu utilisera chaque concession et chaque échec militaire stratégique contre ses adversaires. Ces pressions peuvent conduire le régime actuel à répondre par une brutalité écrasante contre le Liban, ou bien à chercher une sortie rapide de toute confrontation. Par le passé, Israël a répandu des marionnettes et menti sur ses pertes, non seulement lors de son engagement avec la résistance libanaise, mais aussi avec la résistance palestinienne. La manœuvre médiatique pourrait être le plan d’Israël pour sortir rapidement d’une confrontation militaire, en gardant la face avec sa population et en renonçant au différend frontalier maritime, bien que cela puisse être contre-productif.
Par ailleurs, si le régime colonial des colons décide d’annoncer qu’il reportera peut-être la date limite prévue, en septembre, pour l’extraction du gaz du champ de Karish, cela pourrait être un moyen de prévenir un conflit dans un avenir proche, permettant ainsi aux pourparlers sur la frontière maritime d’avancer. Pour un peu plus longtemps. Le report de l’extraction du gaz du champ de Karish peut représenter une concession, mais il pourrait également être exploité par Benjamin Netanyahu et ses alliés du parti de droite Likoud.Il est important de noter qu’en cas de concession de l’entité sioniste, c’est la résistance qui sera contrainte de le faire. Sans les menaces de la résistance au Liban, Beyrouth aurait encore fait l’objet d’une moquerie des Etats-Unis, qui cherchent à surenchérir sur Israël en matière de délimitation de la frontière maritime. Toute concession de la partie américano-israélienne qui accorde au Liban ses droits, provient de la capacité de dissuasion maintenue par le camp de la résistance, et ce sera une autre victoire inscrite dans l’histoire du conflit avec le régime de colonisation.