Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a averti l’Europe et les Etats-Unis que l’adoption d’une résolution au Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) contre l’Iran «perturbera les circonstances actuelles».
«Les Européens ont entamé un faux pas avec le soutien des Etats-Unis au Conseil des gouverneurs, nous pensons que cette décision ne fera qu’empirer la situation», a affirmé M. Zarif, en référence à la tentative d’adopter une résolution contre l’Iran au sein du Conseil des gouverneurs.
A l’issue de la réunion qui s’est tenue ce lundi à la Commission de la sécurité nationale et de la politique étrangère, le chef de la diplomatie iranienne a déclaré que «nous avons tenue une excellente réunion avec les représentants au sujet de la situation actuelle».
«Nous avons expliqué la situation actuelle à tous les membres du Conseil des gouverneurs par l’intermédiaire de l’ambassadeur d’Iran à Vienne. Nous espérons que la raison prévaudra, et si cela ne se produit pas, nous avons des solutions», a conclu le ministre iranien.
L’Europe durcit le ton face à l’Iran
Les Européens ont choisi de durcir le ton face à l’Iran et vont soumettre cette semaine à l’AIEA une résolution condamnant la récente suspension par Téhéran de certaines inspections, ont rapporté lundi des sources diplomatiques.
Dans ce texte consulté par l’AFP, l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne «expriment leurs vives inquiétudes» et «appellent l’Iran à reprendre immédiatement» l’ensemble du programme d’inspections prévu par l’accord de 2015.
Appuyée par les Etats-Unis, la résolution devrait être soumise au vote du Conseil des gouverneurs de l’AIEA vendredi, mais elle ne fait pas l’unanimité parmi les autres signataires du pacte, Moscou et Pékin en tête.
«Mesures maladroites et irresponsables»
La Russie a ainsi mis en garde contre «des mesures maladroites et irresponsables susceptibles de miner les perspectives d’un rétablissement intégral» de l’accord «dans un futur proche», selon un tweet de l’ambassadeur russe Mikhail Ulyanov.
De son côté, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, avait auparavant dénoncé «une mauvaise manœuvre».
Résolution jugée «contreproductive»
Cette initiative, «prise au total mépris des échanges constructifs avec l’Agence, serait absolument contreproductive et destructive», avait prévenu la République islamique dans une note informelle adressée aux Etats membres et consultée par l’AFP.
Les Européens avaient déjà lancé un avertissement à l’Iran dans ce même cadre de l’AIEA en juin 2020, face au refus d’accès à deux sites suspects. Il s’agissait alors de la première résolution critique depuis 2012.
En cas d’adoption du texte, l’Iran a menacé de «mettre fin» à l’accord technique temporaire conclu le 21 février avec l’AIEA, permettant à l’agence onusienne de maintenir une surveillance, bien que réduite, le temps que les pourparlers diplomatiques reprennent.
«Bonne foi»
Cependant, Téhéran affirme avoir «accordé de bonne foi un répit à l’autre partie», en acceptant de fournir à l’AIEA l’ensemble des données des caméras et autres outils de contrôle si les sanctions sont levées d’ici à trois mois.
Le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, avait un peu plus tôt appelé devant la presse à «préserver» le travail d’inspection, qui ne saurait être utilisé comme «une monnaie d’échange dans les négociations».
Il a décrit la limitation des contrôles comme une «perte immense», même si les agents sur place ont pour l’heure les moyens de continuer à vérifier la nature pacifique du programme nucléaire iranien.
«Geste concret»
«L’Iran a montré de la retenue en négociant cet accord technique avec l’AIEA et ce serait de la folie si les Américains gaspillaient le temps ainsi gagné», commente pour l’AFP Kelsey Davenport, directrice de la politique de non-prolifération au sein de l’Arms Control Association, appelant Washington à faire un «geste concret».
«A court terme», l’agence peut continuer à faire son travail, «mais si la situation traîne en longueur, la confiance dans la nature pacifique du programme nucléaire iranien en sera ébranlée», estime-t-elle.
Le «plan d’action global commun», communément désigné par son acronyme anglophone JCPOA, ne tient plus qu’à un fil depuis le retrait américain en 2018 à l’initiative de Donald Trump, et le rétablissement des sanctions.
Le nouvel hôte de la Maison-Blanche, Joe Biden, a promis de revenir dans son giron «si» l’Iran respectait à nouveau le contrat.
Mais à l’inverse, Téhéran qui exige au préalable une levée des mesures punitives qui asphyxient son économie, a franchi ces dernières semaines un nouveau cran dans son désengagement du JCPOA (passage à un niveau d’enrichissement d’uranium de 20%, production d’uranium métal et limitation des inspections).
La République islamique a souligné dimanche soir que le moment n’était pas approprié pour une rencontre proposée par l’Union européenne (UE) et incluant les Etats-Unis.
AlAhed