L’Institut national de la statistique (INS) vient de publier les dernières données quant au commerce extérieur de la Tunisie. La performance commerciale du pays jusqu’au mois de juin paraît bonne, mais réellement, elle ne l’est pas.
Les facteurs de risques baissiers qui se profilent à l’horizon et seraient à même de surplomber le comportement des échanges extérieurs du pays, doivent interpeller les pouvoirs publics pour redresser une compétitivité qui ne cesse de s’éroder.
Un fort rebond en apparence…
«Après deux mois consécutifs de baisse, les échanges commerciaux rebondissent fortement en juin, dépassant leurs niveaux d’avant pandémie (février 2020)», confirme l’INS dans son communiqué.
Cette dynamique évaluée aux prix courants tient à une reprise notoire des exportations, lesquelles se sont accrues de 25% durant le premier semestre de 2021 au regard de la même période de 2020, alors que les importations ont augmenté à un rythme inférieur de 22%.
Ces évolutions ont débouché sur une légère amélioration du déficit commercial, en témoigne un recul de 102 millions de dinars (MD) entre les mois de juin et mai 2021 pour atteindre une valeur de 1452 MD et un gain de 4.5% dans le taux de couverture pour s’établir à 74,4%.
Côté exportations, la bonne performance nominale du mois de juin a été portée par l’ensemble des secteurs à l’exception à la fois sous le régime général et le régime offshore sauf l’agriculture et les industries agro-alimentaires qui ont accusé une baisse de près de 34%. Les meilleures performances ont été enregistrées par les mines, phosphates et dérivés (55.4%), ainsi que le secteur de l’énergie et lubrifiants (38.7%).
Côté importations, les évolutions les plus importantes des achats ont concerné les produits alimentaires (37.6%) et les produits énergétiques (27.3%), notamment en pétrole brut, alors que les approvisionnements en matières premières et semi-produits, ainsi qu’en biens de consommation ont augmenté respectivement de 8.1% et 8.3%.
…mais réellement, il s’agit d’une performance surestimée…
La reprise «encourageante» des échanges extérieurs en termes nominaux après quelques mois de stagnation ne devrait pas refléter une réelle performance aussi bien des exportations que des importations.
En effet, selon les statistiques disponibles du commerce extérieur aux prix constants du mois de mai (base 2015), la situation est diamétralement inversée. «Au mois de mai et pour le deuxième mois consécutif, les échanges demeurent sur une pente négative», a bien expliqué l’INS.
La réalité est que les volumes des exportations et des importations ont baissé respectivement de 10,4% et 2%. Cette tendance devrait se confirmer au mois de juin, du moment que la crise coronavirus allait crescendo et dont les retombées se font sentir sur les récents mois et ceux qui viennent.
La comptabilisation des échanges extérieurs aux prix constants (en volume) traduit l’effort réel en matière d’exportation et d’importation. Elle consiste à neutraliser l’effet des prix, pour ne considérer que l’effet «quantité» et c’est là que le bât blesse.
Les prix des échanges sont effectivement restés sur une tendance haussière pour atteindre des taux d’accroissement de respectivement 1,1% et 2,1% pour les produits exportés et ceux importés. Une hausse soutenue par le double effet du change et de l’inflation locale.
Les exportations en volume ont ainsi régressé de 10.4% entre mai et avril derniers, un fléchissement localisé dans les secteurs des industries mécaniques et électriques (-14.1%), du textile, habillement et cuirs (-13.3%), mais aussi l’énergie et lubrifiant (-12.2%).
En revanche, le repli du volume des importations était de moindre ampleur en comparaison aux exportations, soit 2%. Une baisse attribuable à la contraction des achats en produits d’alimentation (29.9%) qui n’ont toutefois pu être compensés par la hausse du volume des importations de biens d’équipement (+9.7%) et des produits de biens de consommation (+5.4%).
Sur cette base, le taux de couverture «réel» s’est inscrit en baisse pour atteindre 72.5% au mois de mai, contre 79.3% au mois d’avril et 80.7% au mois de mars 2021. Une tendance qui repose essentiellement sur «une baisse des termes de l’échange hors énergie, pour le quatrième mois consécutif, de 1.8 point».
Cette mauvaise performance réelle du commerce extérieure laisse s’interroger tout d’abord sur les limites des effets de la dépréciation du dinar sur la dynamique exportatrice et ensuite sur l’état de compétitivité de nos produits et services sur les marchés extérieurs.
…avec des risques baissiers en vue
La dynamique des échanges extérieurs risque de subir l’effet combiné d’un nombre de facteurs non moins défavorables sur un futur proche pour le moins.
Premièrement, la fragilité des perspectives économiques mondiales et régionales en lien avec la persistance de la pandémie Covid-19, dont les craintes de voir de nouvelles vagues de contamination se produire avec l’apparition de nouveaux variant, se confirme de plus en plus. Ceci, outre les risques qui entachent l’efficacité des plans de relance engagés par les économies industrialisées et émergentes pour contrer la récession actuelle.
Deuxièmement, l’impact en termes de rentabilité et de compétitivité sur les entreprises exportatrices nationales suite à l’entrée en vigueur à partir de 2022 du taux unifié de 15% sur les bénéfices des sociétés, dont les entreprises exportatrices. Que peut-on attendre d’une majoration de 5 points de pourcentage d’un coup, des taux d’imposition des entreprises exportatrices sur le secteur échangeable dans une conjoncture en berne ? Une question qui taraude l’esprit !
Troisièmement, le climat général dans le pays et le climat social en particulier si l’on songe aux remous politiques, à l’instabilité sociale et aux pressions sur le patronat pour entamer de nouvelles négociations sociales. Un climat «pourri» qui n’a pas besoin d’analyse et de commentaire !
Et la solution ? Le dernier plan de relance approuvé par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a prévu un certain nombre de mesures en faveur du financement des entreprises, dont la déduction des revenus et bénéfices réinvestis dans le capital des entreprises totalement exportatrices, mais ce type d’action serait-il suffisant, en cas de promulgation bien sûr, pour renverser la donne et remettre sur les rails la compétitivité extérieure du pays ? Une problématique qui relève de l’enjeu stratégique et à laquelle on est appelé à quêter et trouver la réponse !
realites.com