Emmanuel Macron a battu sa rivale d’extrême droite Marine Le Pen, un résultat très significatif car la victoire d’un représentant du néofascisme en France aurait eu un effet dévastateur à l’échelle européenne. Cependant, la croissance de son pouvoir politique reste préoccupante : si au second tour des élections de 2017, il a obtenu 33,9 % des voix, il est passé dimanche à 41,8 % chez Le Pen, tandis que Macron a réduit sa force électorale de 66,1 en 2017 à 58,2 % actuellement.
Cette progression de l’extrême droite ne doit donc pas être sous-estimée. Rappelons que lors de l’élection présidentielle de 2002, le père du candidat sortant et fondateur du Front national, Jean-Marie Le Pen, un xénophobe forcené, a obtenu près de 18 % des voix, et est entré au second tour (scrutin), où il a perdu face à Jacques Chirac. Pour l’élection présidentielle suivante (2007), il a perdu près de la moitié des voix, mais sa fille les a entièrement regagnées, bien que cela n’ait pas été suffisant pour accéder au second tour, en 2012. Pour l’élection suivante, en 2017, l’extrême droite a doublé son pouvoir électoral. Elle est presque passée de 18 à 34 % des voix au second tour avec Emmanuel Macron.
Lors des dernières élections, Marine Le Pen a obtenu 41,5 % des voix, un bilan dramatique qui n’augure rien de bon pour l’avenir de la politique française et pour les immigrés vivant en France. Pour en revenir à Macron, il est clair que sa capacité à gagner des voix de sa gauche ou du centre-gauche a été sévèrement limitée, malgré la crainte que la présidence ne soit entre les mains de Le Pen suscitée.L’orthodoxie néolibérale de ses politiques économiques et sociales, le style administratif et arrogant de son gouvernement et la férocité de la répression contre les fréquentes manifestations des “gilets jaunes” ont diminué sa base électorale. Il ne serait pas faux de dire que Macron a été élu plus par peur de son adversaire que par amour pour de larges pans de la société française. Ce fut, comme le confirme le sondage IPSOS, “un vote sans enthousiasme”.
Ces élections ont montré une autre facette qui décrit dans une certaine mesure l’état d’esprit social en France : elles ont connu le taux de participation citoyenne le plus bas depuis l’élection présidentielle de 1969, celui-là même que Georges Pompidou avait installé à l’Elysée après son séisme politique. Le général Charles de Gaulle démissionne. Il serait exagéré – mais pas tout à fait inexact – de parler d’une “victoire coûteuse” pour Macron car dans un peu plus d’un mois, le 12 juin, auront lieu les élections législatives pour renouveler l’Assemblée nationale de 577 membres et tenir sa première. IPSOS a révélé dimanche soir que la nouvelle composition de l’Assemblée nationale pourrait représenter un sérieux revers pour Macron.
Cette contradiction apparente : gagner l’élection présidentielle et battre le corps législatif ne serait pas une anomalie totale en France, car il y a déjà eu trois cas de “coexistence” dans le passé. En 1986, le président socialiste François Mitterrand a nommé le gaulliste Jacques Chirac comme Premier ministre après avoir remporté les élections législatives cette année-là ; en 1993, Mitterrand a chargé le conservateur Edward Balladur de former le gouvernement.
Enfin, entre 1997 et 2002, Chirac, en tant que président, a été contraint de nommer le socialiste Lionel Jospin comme premier ministre. Tel semble être le pari du leader du parti de gauche de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, qui a appelé nombre de ses partisans (il a obtenu près de 22 % au premier tour) à s’unir et à construire une majorité électorale à l’Assemblée nationale. Pour ériger une formidable barrière contre le projet néolibéral de ” recharge ” de Macron.