La bourse d’Istanbul a suspendu les cotations à deux reprises lundi après une forte chute de son principal indice dans le sillage de la devise turque qui s’est dépréciée après le limogeage du gouverneur de la Banque centrale.
La Bourse d’Istanbul a été prise dans la tourmente, lundi 22 mars, après le limogeage surprise par le président turc Recep Tayyip Erdogan du gouverneur respecté de la Banque centrale. La livre turque a plongé et les cotations ont été interrompues.
La livre turque a dégringolé de plus de 17 % face au dollar tôt lundi sur les marchés des changes, s’échangeant en début de matinée en Asie jusqu’à 8,47 TRY pour un billet vert contre 7,22 TRY en fin de semaine dernière. Elle s’est reprise quelque peu par la suite, remontant à 7,97 TRY vers 08 h 30 GMT.
Les cotations ont été suspendues à deux reprises dans la matinée après une chute de plus de 6 % du principal indice, en application d’un mécanisme qui prévoit une interruption en cas de fortes fluctuations.
Cette crise intervient dans un contexte où l’économie de la Turquie pâtit déjà de l’impact de l’épidémie de Covid-19.
Le gouverneur de la banque centrale remplacé par un député de l’AKP
Les marchés subissent ainsi de plein fouet l’impact le remplacement de Naci Agbal, un ancien ministre des Finances respecté, quatre mois après sa nomination par Sahap Kavcioglu, un économiste et ancien député de l’AKP, parti au pouvoir. La nomination de ce nouveau chef de la banque centrale inquiète les investisseurs et jette le doute sur l’indépendance de l’organe financier.
Naci Agbal avait été destitué tard vendredi dans un décret présidentiel qui n’avançait pas de motif officiel, mais intervenait deux jours après un fort relèvement de 200 points de base du principal taux directeur par la banque centrale, une mesure de lutte contre l’inflation saluée par les marchés. Il n’était en poste que depuis cinq mois.
Incompréhension des Turcs
Après ces annonces, de nombreux Turcs paraissent désabusés. “La Turquie donne l’impression d’être un pays qui ne suit aucune règle. Il n’y plus de droit, plus de démocratie et tout cela a un impact”, s’exaspère Adem Demirtas, un conseiller financier rencontré dans une rue commerçante du centre d’Istanbul.
“Soutenir le gouvernement ne veut pas dire fermer les yeux sur ses erreurs. Si des erreurs sont commises il faut qu’elles soient réparées”, renchérit Sukru Kocak, un autre habitant de la ville.
Ahmet, un chômeur de 60 ans, note avec amertume que “les prix ne cessent d’augmenter”. “Je ne sais pas ce qui va nous arriver”, lâche-t-il.
Le directeur limogé accusé d’avoir favorisé l’inflation
Le président Erdogan, partisan d’une forte croissance alimentée par des crédits bon marché, a toujours exprimé son opposition aux taux d’intérêt élevés. Il les qualifie ainsi régulièrement de “père et mère de tous les maux” et affirme, à rebours des théories économiques classiques, qu’ils favorisent l’inflation.
Dans une série de tweets publiés lundi, le numéro deux de l’AKP, Nurettin Canikli a justifié le remplacement du chef de la banque centrale, estimant qu’il ne s’était pas acquitté de sa “tâche principale” qui est selon lui d'”assurer la stabilité des prix”.
Tentant de rassurer les investisseurs, le ministre turc des Finances Lütfi Elvan, a affirmé lundi que son pays maintiendra un régime de changes libres en dépit d’un plongeon spectaculaire de la livre turque.