Rabat – De nouvelles recherches dans les archives des satellites soviétiques ont révélé que Mehdi Ben Barka, le célèbre leader socialiste marocain, pourrait avoir été un espion, a rapporté le Guardian.
Selon le rapport, des dossiers précédemment classifiés ont révélé que Ben Barka avait des liens avec le Státní Bezpečnost (StB), le service de sécurité tchécoslovaque.
La possibilité d’un lien entre les deux a été évoquée pour la première fois il y a quinze ans, bien que peu de personnes aient prêté attention aux rapports à l’époque.
Des services de renseignement suspects
Cette fois, le Dr Jan Koura, professeur adjoint à l’université Charles de Prague, a eu accès à l’intégralité des dossiers déclassifiés et a également pu les recouper avec des milliers d’autres documents récemment publiés.
“Ben Barka est souvent dépeint comme un combattant contre les intérêts coloniaux et pour le tiers-monde, mais les documents révèlent une image très différente : un homme qui jouait sur plusieurs tableaux, qui savait beaucoup de choses et savait aussi que les informations étaient très précieuses dans la guerre froide”, a déclaré le Guardian, citant le Dr Koura.
“Il n’y a aucun doute sur [la connexion tchèque]. Tous les documents le confirment”, a-t-il ajouté.
La famille du défunt dissident marocain a nié ces découvertes controversées, affirmant que Ben Barka n’était pas impliqué dans l’espionnage et n’avait pas de liens étroits avec un quelconque État.
Les dossiers en question suggèrent que la relation entre Ben Barka et les services de renseignement tchèques a commencé en 1960, les espions de Prague espérant que le leader socialiste marocain emblématique serait en mesure de fournir des renseignements sur les développements politiques au Maroc et dans la région arabe.
Les documents du StB indiquent que Ben Barka était une source d’informations “précieuses” et le présentent comme une figure majeure du mouvement anti-impérialiste, aux côtés de personnes comme Malcolm X, Che Guevara et Nelson Mandela.
Les documents rapportent également qu’il était payé pour ses services par l’agence de renseignement en échange de rapports sur le Maroc.
En outre, les informations déclassifiées font état de tensions que Ben Barka a eues avec l’organisation, en raison de soupçons selon lesquels il aurait pu être impliqué avec d’autres acteurs de la guerre froide.
Selon ces documents, le leader indépendantiste marocain s’est également engagé dans des opérations en Irak et au Caire pour obtenir des informations sur leurs politiques et leurs dirigeants.
Ils rapportent également que, bien qu’il ait entretenu des relations positives avec le StB, l’association de Ben Barka avec d’autres États a fait l’objet de soupçons de la part de diverses puissances mondiales.
Les documents déclassifiés n’ont toutefois pas apporté de nouveaux éclaircissements sur les motivations de l’activiste.
Idéalisme et pragmatisme
En rapportant les documents qui font l’effet d’une bombe, Jason Burke, du Guardian, a noté que les défenseurs de Ben Barka ont longtemps rejeté les suggestions selon lesquelles le socialiste marocain aurait pu être un espion.
Ils maintiennent que si les analyses de Ben Barka ont pu être utiles au StB, elles ne le qualifient pas d’espion ou d’agent, et qu’un tel rôle aurait été incompatible avec son dévouement à protéger le sud du monde contre l’ingérence étrangère.
Bachir Ben Barka, qui vit en France, est cité par le Guardian comme ayant déclaré que toute relation que son père aurait pu entretenir avec des acteurs internationaux n’était qu’un élément nécessaire de la lutte mondiale contre l’impérialisme et l’exploitation coloniale.
Il a également souligné que les documents obtenus par Koura provenaient d’un service de renseignement et qu’ils auraient donc pu être édités pour mettre en lumière les relations et les activités de son père pendant la guerre froide.
Koura, pour sa part, reste sceptique quant à savoir si l’activisme de Ben Barka était purement motivé par son combat pour l’idéalisme tiers-mondiste. Il dit qu’il ne condamne pas l’activiste marocain, mais qu’il y avait à la fois “pragmatisme et idéalisme.”
Ben Barka a mystérieusement disparu à Paris en 1965. Son sort fait toujours l’objet de spéculations, car divers services de renseignement, dont les services secrets marocains, la CIA, le Mossad et les services de renseignement français, ont tous été accusés de son enlèvement et de sa mort.