Les consommateurs tunisiens n’ont pas raté la pénurie qui s’installe petit à petit pour différents produits d’utilisation courante. Les Tunisiens ont de plus en plus de difficultés à trouver du sucre, de la farine ou de la semoule dans leurs commerces habituels. Même en grande surface, il devient difficile de s’en procurer. Cette pénurie existe déjà depuis plusieurs semaines dans les régions de Tunisie et elle atteint, aujourd’hui, la capitale qui était relativement préservée.
Ces produits deviennent rares à Tunis et cela provoque la frustration des consommateurs et des professionnels. Ainsi le cas de ces boulangeries d’El Mourouj qui ont publié un communiqué commun pour demander aux riverains de ne plus les insulter ou les attaquer à cause du manque de pain. Les boulangers ont expliqué que leur approvisionnement en farine, qu’elle soit subventionnée ou pas, est de plus en plus faible, ce qui explique qu’il n’y a plus de pain à partir de midi. Pour ce qui est des grandes surfaces, et vu la rareté de ces produits, les rayons sont dévalisés très rapidement et la situation de pénurie perdure.
Il faut dire que l’approvisionnement de la Tunisie en blé dur et en blé tendre, matières premières pour la fabrication de farine et de semoule, devient de plus en plus aléatoire. En décembre 2021, pas moins de six bateaux chargés de blé étaient en rade dans les ports de Radès, Sfax et Gabès. De nombreuses tractations ont permis à deux d’entre eux de finalement décharger leur marchandise. En cause, l’incapacité de l’Office national des céréales à payer les fournisseurs avant la livraison. Ce manque de liquidités couplé à la défiance des fournisseurs du fait de la notation souveraine basse de la Tunisie font que l’approvisionnement est perturbé. Il est à noter, également, que les prix du transport ont beaucoup augmenté à cause de la relance économique post-Covid, ce qui se répercute sur le prix de la tonne de blé.
Aujourd’hui, une donnée géostratégique majeure vient s’ajouter à ce casse-tête : les tambours de la guerre qui sont actuellement en marche en Ukraine. Il s’agit de l’un des principaux fournisseurs de la Tunisie en blé. Les menaces d’invasion russe vont avoir un impact direct sur la Tunisie : en cas de guerre, il est probable que les livraisons soient interrompues, si la tension persiste, il n’est pas exclu de voir le prix de la tonne de blé augmenter encore plus.
Dans un communiqué du 13 janvier 2022, le ministère du Commerce a tenté de se montrer rassurant en affirmant que des stocks ont été constitués et que les opérations de production et d’importation se poursuivent de façon normale. Le ministère affirme également que les besoins sont couverts jusqu’en mai 2022. Selon le département, les perturbations enregistrées sont seulement conjoncturelles et liées au pic de consommation qui est la célébration de la nouvelle année. Plus de 48 jours nous séparent de cette date, et pourtant la pénurie est toujours là et ne fait que s’étendre.
Il est vrai qu’il existe un problème au niveau des circuits de distribution. Toutefois, il ne suffit pas expliquer une pénurie aussi longue sur une telle variété de produits. Il s’agit en plus de produits de première nécessité dont le manque est susceptible de provoquer des mouvements sociaux. Par ailleurs, le monopole et les circuits de distribution défaillants ont toujours existé. Ils font certes partie du problème, mais ne sont pas LE problème. Le président de la République, Kaïs Saïed, doit promulguer un décret pour tenter de réguler les circuits de distribution. Son contenu reste inconnu mais il est d’ores et déjà certain que cela ne suffira pas.
Le fait que des produits aussi essentiels que le sucre, la farine, la semoule ou l’huile subventionnée soient totalement absents du marché est une bombe à retardement. Plusieurs mouvements sociaux qui ont jalonné l’histoire de la Tunisie ont eu pour déclencheur des raisons liées à l’approvisionnement en ces produits. Par ailleurs, le gouvernement tunisien gagnerait à stabiliser les choses, réellement, dans les plus brefs délais car le mois de Ramadan est sur les portes (début avril). La pénurie, si elle se poursuit, aura un tout autre impact social.
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