Tunis, Tunisie – En février, le président tunisien Kais Saied a mis en garde son pays contre un plan visant à modifier la “composition démographique” de la Tunisie, pour en faire “un pays africain de plus qui n’appartient plus aux nations arabes et islamiques”.
Dans le cadre de ce plan, des “hordes de migrants irréguliers d’Afrique subsaharienne” se sont rendues en Tunisie, apportant “toute la violence, la criminalité et les pratiques inacceptables qui en découlent”.
Cet avertissement douteux, qui a été largement critiqué et qualifié de raciste par les groupes de défense des droits de l’homme ainsi que par les organismes régionaux et internationaux, a donné une approbation officielle à une mentalité qui s’est répandue dans le pays nord-africain au cours des dernières années.
Elle a conduit à des rafles d’Africains noirs subsahariens, à leur expulsion de propriétés louées et à la mobilisation des pays africains pour rapatrier leurs citoyens.
Aujourd’hui, alors que des rapports font état de foules pénétrant de force dans les maisons de migrants et de réfugiés noirs, attaquant les occupants à coups de poing, de bâton et de machette, la population noire tunisienne, habituée depuis longtemps à la bigoterie qui existe dans de nombreux secteurs de sa propre société, se prépare à l’assaut.
Selon le groupe de campagne antiraciste Mnemty, 10 à 15 % de la population tunisienne est noire. Certains descendent de la population amazighe originaire d’Afrique du Nord, tandis que les ancêtres d’autres ont émigré des États voisins et que d’autres encore ont été amenés en Tunisie dans le cadre de la participation du pays à la traite des esclaves.
Selon Mnemty, la situation s’est détériorée depuis le coup de gueule du président Saied en février.
“Avec ce discours, le président Saied a défini ce que c’était que d’être tunisien. C’est-à-dire être arabe et musulman. Tout ce qui s’en écarte [que ce soit par la couleur de peau ou la religion] est suspect et sujet à caution”, poursuit M. Rouin.
Il s’est penché en avant. “Laissez-moi vous poser une question : voyez-vous beaucoup de Tunisiens noirs dans les manifestations de défense des migrants ? Non. Ils se tiennent à l’écart de ces manifestations. Ils se donnent du mal pour paraître tunisiens et parler en dialecte [tunisien]. Ils doivent vous faire savoir qu’ils sont tunisiens avant que vous ne les interrogiez”, a-t-il déclaré.