Un duo d’hommes, Florentino Perez (Real Madrid) et Andrea Agnelli (Juventus Turin), qui devaient en être respectivement président et vice-président.
Si c’était un western, il pourrait être intitulé “Pour une poignée de dollars”, l’histoire de deux hommes impitoyables qui, aux côtés de dix compagnons, prennent les armes face à l’UEFA et font sécession. Le pactole qui anime ces “Douze salopards” ? La perspective de gérer et de se partager les revenus issus de leur coup de force : tenter de supplanter la Ligue des champions de l’UEFA par une Super ligue européenne semi-fermée. Mais avant la grande bataille finale, une partie de leurs camarades se débine, les laissant seuls avec leur rêve de fortune rapide.
Depuis leur profession de foi dans la nuit de dimanche à lundi, la guerre est déclarée entre l’UEFA, son président Aleksander Ceferin, et ces rebelles. La Super ligue est “une proposition honteuse” de quelques clubs “guidés par l’avidité“, “un crachat au visage de tous les amoureux du football”, a asséné le chef du football européen. “Nous devions être naïfs, en ignorant que nous avions des serpents près de nous.”
Ces “serpents” qu’évoque le Slovène, c’est sans doute le duo d’hommes qui s’est installé à la tête de la Super ligue : le tout nouveau président-fondateur, Florentino Perez du Real Madrid, secondé par Andrea Agnelli, de la Juventus Turin. Deux présidents de clubs qui, au fil de leur parcours, ont incarné une vision pragmatique et mercantile du football avec un souci constant de le moderniser au risque de le dénaturer.
Florentino Perez, le “cerveau” de la Super ligue qui a transformé le Real Madrid en marque
Pour un bon scénario, il faut forcément que la bande compte un “cerveau” et un chef. Florentino Perez a rempli ce rôle pour la Super ligue en s’appuyant sur la légitimité de son club, le Real Madrid, vainqueur de 13 Ligue des champions, un record.
Florentino Perez est obsédé depuis des années par le concept de Ligue européenne fermée. Dès 2009, le président du Real Madrid avait lancé un appel sur le sujet. En novembre 2018, les Football Leaks avaient révélé qu’il avait reçu cette même année une première ébauche de projet de Super League, avec 11 clubs fondateurs et 5 équipes invitées pour un début de compétition en 2021.
Peu étonnant de la part d’un homme qui, depuis son premier mandat à la tête de la “Maison blanche” en 2000, a toujours juré par la démesure, le clinquant et la promesse de faire du Real Madrid une marque mondiale.
Son arrivée à la tête du club coïncide avec l’ère des “Galactiques”, une équipe “all-star” qui débarque des quatre coins de l’Europe pour jouer à Madrid : Perez débauche Luis Figo chez le rival barcelonais pour 58 millions d’euros, une somme astronomique pour l’époque. Suivent en 2001 Zinédine Zidane, qui est aujourd’hui son entraîneur, le Brésilien Ronaldo en 2002 ou Beckham en 2003.
Évincé en 2006 pour sa gestion du club trop tournée vers le marketing et l’absence de titre majeur entre 2003 et 2007, il revient aux manettes en 2009. Et dépense en quelques semaines plus de 240 millions d’euros pour renforcer l’équipe en recrutant notamment Cristiano Ronaldo et Kaka, les deux derniers Ballons d’Or du moment.
La méthode Perez commence à payer et la domination du Real Madrid sur la scène européenne s’accentue avec quatre Ligue des Champions entre 2014 et 2018. Le Real Madrid est devenu une formidable machine à cash bien au-delà du sportif. Cependant, son succès commercial éclatant ne doit pas faire oublier son niveau d’endettement chronique. Celui-ci atteignait déjà 901 millions d’euros début janvier, pour un chiffre d’affaires de 757 millions d’euros
Le patron du puissant groupe de BTP ACS, dont la fortune personnelle est estimée à 1,9 milliard d’euros (2,3 milliards de dollars) par Forbes, justifiait ainsi sa vision de la Super Ligue lundi : “Le football doit changer et s’adapter (…) Ce n’est pas quelque chose pour les riches. On fait cela pour sauver le football, qui est à un tournant critique.”