Les tensions entre supporters marseillais et la direction de l’OM sont très vives depuis plusieurs semaines. De nombreuses personnalités politiques et artistiques se mêlent à leur combat pour défendre l’identité patrimoniale très forte de ce club qui fait vibrer Marseille et ses environs.
“Marseille sous haute tension”. Cette paraphrase d’un célèbre groupe de rap de la cité phocéenne (la Fonky Family) pourrait, à elle seule, résumer le climat actuel qui règne autour de l’Olympique de Marseille, théâtre depuis plusieurs semaines d’un conflit ouvert entre ses supporters et sa direction. Un point culminant a été atteint, le 30 janvier, avec des échauffourées au centre d’entraînement de la Commanderie.
Depuis, la tension n’est pas retombée. Les supporters de l’OM demandent le départ de Jacques-Henri Eyraud, et dans le même temps le président olympien multiplie les déclarations qui mécontentent. “Il y a deux visions de l’OM qui s’affrontent”, déclare-t-il juste après les incidents à la Commanderie. Les 14 et 15 février, le club annonce une prochaine “initiative de concertation avec les supporters”, Agora OM, et met en demeure certains groupes des virages du Vélodrome, menaçant de rompre leur convention sur les abonnements.
“La rupture est consommée”, répondent les groupes de supporters de l’OM, qui déclarent aussi à leur direction qu’”il est désormais inutile de feindre dans les médias une volonté de dialogue”. Le maire de Marseille, Benoît Payan, leur apporte son soutien ainsi que plusieurs personnalités : artistes, intellectuels, militants politiques, associatifs ou encore sportifs. “L’OM ne tient pas dans un club de foot”, clament-ils dans une tribune publiée, vendredi 19 février, par La Provence.
“La plupart des gens qui sont attachés à une certaine culture marseillaise, de la ville et de son club, ont voulu rappeler des évidences : un club de football fait partie du terroir, c’est beaucoup plus qu’une entreprise financière”, explique François Thomazeau, journaliste et écrivain signataire de la tribune, contacté par France 24. “Saint-Étienne, Lens ou Marseille sont des clubs français qui sont ancrés dans la réalité de leur ville et ils sont vus par leurs habitants, par leurs élus… comme beaucoup plus que des équipes de football. Et ils ne sont pas simplement une entreprise qui doit gagner ou perdre de l’argent.”
“L’impression de rentrer dans une famille”
Le célèbre groupe de rap marseillais IAM, autre signataire de la tribune, a aussi publié sur Twitter un message personnel, se disant “solidaire des groupes de supporters” de l’OM. “Ce club-là, c’est une ville, c’est une identité, une mentalité, ça fait partie de nos vies, c’est dans (notre) ADN”, a rappelé le rappeur Akhenaton. “Les gens qui reprennent ce club-là, à n’importe quelle époque, doivent réaliser qu’en épousant le club ils épousent aussi une ville, une mentalité, un état d’esprit. C’est ça être marseillais.”
L’Olympique de Marseille, ce n’est pas qu’un simple club de football mais aussi une vitrine de la cité phocéenne, à en croire ses nombreux soutiens. “La seule agora de l’OM, c’est nos rues, nos bars, nos salons devant la télé, nos corps massés devant le camion-pizza et nos virages”, indiquent les signataires de la tribune publiée dans La Provence.
Le club de foot de la cité phocéenne, à l’instar d’autres clubs populaires de Ligue 1, fait aussi partie de la vie des gens qui le soutiennent. Selon François Thomazeau, “L’OM a rythmé l’adolescence de ses supporters. Le club nous appartient, et cela ne se galvaude pas”. Et l’écrivain de se rappeler : “Je suis arrivé à Marseille à l’âge de 4 ans, mon père est nantais et ma mère bordelaise, et c’est en allant au stade et avec l’attachement que j’ai pu apporter à l’OM que j’ai fait, dans une certaine mesure, mon entrée dans la ‘marseillitude’. J’ai eu l’impression de rentrer dans une famille, et cette transmission de la passion du foot elle s’est faite avec mon instituteur qui nous a emmenés voir notre premier match, en 1971”.
Le “divorce culturel” entre supporters et dirigeants
Le conflit actuel à l’OM semble tenir au fait que les dirigeants n’auraient peut-être pas pris conscience de la dimension individuelle et collective que peut représenter le club pour la cité phocéenne. “La dimension culturelle, patrimoniale, passionnelle du club est portée à un très haut point à Marseille, et tout ce qui touche au club résonne dans la ville”, explique Jérôme Latta, cofondateur et rédacteur en chef des Cahiers du football, contacté par France 24. Il y a une très grande sensibilité non seulement des supporters mais aussi de l’ensemble de la population marseillaise”.
Et si cette dimension passionnelle est remise en cause, cela peut conduire à un bras de fer avec les supporters, comme c’est le cas actuellement. Mais la situation est aussi à mettre en perspective avec celle d’autres supporters de clubs de Ligue 1, eux aussi en conflit avec leur direction depuis des mois, comme au FC Nantes ou aux Girondins de Bordeaux.
“Il y a un divorce culturel qui s’exprime dans le fait que supporters et dirigeants ne partagent plus du tout les mêmes objectifs”, explique Jérôme Latta. “Les dirigeants sont dans un environnement économique très concurrentiel avec notamment beaucoup d’exigences de rentabilité (…). Les supporters, eux, veulent vivre leur passion. Et comme des dirigeants ont des discours dépassionnés, souvent avec des résultats sportifs très décevants, on arrive à des points de rupture car les supporters ne se reconnaissent plus dans leur club.”
Quel salut peut espérer l’OM dans ce contexte ? Les supporters marseillais souhaitent toujours le départ de Jacques-Henri Eyraud, ils l’ont encore confirmé lors d’une conférence de presse vendredi après-midi. En cas de statut quo, et donc de non départ du président olympien, ils pourraient “appeler les Marseillais à manifester”. Et de prévenir : “On veut un président qui s’y connaisse en football et qui ait du respect pour les supporters et les Marseillais.”