Le puissant chef de l’armée algérienne effectue une visite officielle discrète mais extraordinaire à Paris, la première d’un général algérien de haut rang depuis l’indépendance de la France il y a plus de six décennies.
Le général Saïd Chanegriha a rencontré lundi le président Emmanuel Macron, a indiqué l’Élysée, avant de rencontrer mardi le ministre français de la Défense, Sébastien Lecornu.
Chanegriha a été invité en France par son homologue, le chef d’état-major des armées, Thierry Burkhard, qui l’avait rencontré en août dernier lors d’une visite de Macron en Algérie. Le président français était en mission pour tenter de panser les plaies et rechercher une certaine réconciliation après les 132 ans de colonisation de la France.
L’Algérie était le joyau de l’empire colonial français, avec un statut spécial qui en faisait une partie intégrante de la France. Les relations entre les deux pays sont tendues depuis que l’Algérie a obtenu son indépendance en 1962 après une guerre brutale de sept ans.
La visite de Chanegriha a été discrète, sans annonce officielle de la part des Français, contrairement aux autorités algériennes.
Le ministère algérien de la Défense a déclaré que Chanegriha avait transmis à Macron un message du président Abdelmadjid Tebboune lors de leur rencontre de lundi, sans en révéler le contenu. Tebboune devrait se rendre à Paris dans le courant de l’année.
Le ministre français de la Défense et le général Burkhard étaient présents lors de la réunion avec Macron.
Les deux pays ont des préoccupations militaires mutuelles, notamment dans la région instable du Sahel qui borde le sud de l’Algérie et où les troupes françaises combattent les extrémistes islamistes. Les Français sont aussi probablement très préoccupés par les relations de plus en plus amères entre l’Algérie et le Maroc voisin au sujet du Sahara occidental, où des rebelles soutenus par l’Algérie cherchent à obtenir l’indépendance sur un territoire revendiqué par Rabat.
Chanegriha a reçu un accueil officiel lundi à la prestigieuse institution militaire Ecole Militaire. Un tweet lundi par Burkhard avec des photos de la cérémonie a disparu mardi.
En Algérie, l’armée joue un rôle primordial, bien que dans les coulisses. Le prédécesseur de Chanegriha, Ahmed Gaid Salah, a contribué à pousser le président Abdelaziz Bouteflika, aujourd’hui décédé, à quitter le pouvoir en 2019, mettant fin à ses 20 ans de pouvoir au milieu de mois de marches de protestation pacifiques.
Gaid Salah s’est rendu à Paris en 2006, mais à titre officieux, et aurait vérifié la santé de Bouteflika qui, à l’époque, était traité pour des problèmes d’estomac dans un hôpital militaire français.
L’armée algérienne est issue de la force combattante de la guerre d’indépendance. Une aile politique a été le seul parti politique à diriger l’Algérie pendant trois décennies.
Alors que M. Bouteflika, en tant que président, s’est rendu en France et s’est adressé au Parlement français, le chef de l’armée algérienne n’a jamais reçu d’invitation officielle de Paris avant Chanegriha.