Dans le cadre d’un nouveau recul de la tolérance de l’État à l’égard de la critique et de l’opposition, les autorités tunisiennes sanctionneront les personnes qui utilisent des plates-formes en ligne pour critiquer les représentants de l’État et porter atteinte aux intérêts de ce dernier.
Mercredi 23 août, les ministères tunisiens de la justice, de l’intérieur et de la technologie ont publié un communiqué de presse accusant des personnes anonymes de chercher à “nuire aux intérêts de l’État” et à “calomnier les symboles de l’État”.
“Des accusations criminelles ont été portées pour révéler l’identité d’utilisateurs de médias sociaux qui ont l’intention d’exploiter ces plateformes pour promouvoir de fausses nouvelles, des données et des rumeurs”, peut-on lire dans le communiqué de presse.
Les trois ministères ont également déclaré que les personnes qui partagent des contenus produits par d’autres pourraient faire l’objet de poursuites pénales “à l’intérieur et à l’extérieur du territoire tunisien”.
Selon le communiqué du ministère, une liste noire officielle de comptes et de pages de médias sociaux dont le contenu ne doit pas être partagé sera publiée prochainement.
Plusieurs militants ont qualifié ces nouvelles mesures de “déclaration de guerre à la liberté d’expression”.
This is a declaration of war on freedom of expression. Silencing critics will not solve any of the country’s problems. #Tunisia https://t.co/KA1q1Yjfnn
— Asma Ghribi (@AsmaGhribi) August 24, 2023
“Ils veulent que la Tunisie s’effondre dans un silence total. ‘Acceptez, soyez hypocrite ou quittez le pays’ devient une politique officielle du gouvernement”, a écrit Mohamed Dhia Hammami, analyste politique tunisien basé à New York, sur la plateforme de médias sociaux X, anciennement Twitter.
La décision des trois ministres a été rendue publique à l’issue d’une réunion du cabinet avec le président Kais Saied, qui a accusé les utilisateurs des médias sociaux qui partagent des critiques en ligne de tenter de “créer le chaos et de déstabiliser” le pays.
“Les campagnes de diffamation et de menace ciblent souvent un parti spécifique ou des personnes occupant des postes officiels spécifiques”, a-t-il ajouté lors d’une réunion du cabinet au palais de Carthage mercredi.
La récente mesure prise par M. Saied, qui consiste à mettre sur liste noire les plates-formes en ligne des opposants, s’inscrit dans le prolongement du décret contre la cybercriminalité qu’il a publié l’année dernière dans le cadre des décisions exceptionnelles prises après juillet 2021.
En juillet 2021, le président Saied a soudainement fermé le parlement, limogé le gouvernement et décidé de gouverner par décret avant de réécrire la constitution, des mesures que ses détracteurs ont qualifiées de coup d’État qui a mis à mal la démocratie construite après la révolution de 2011.