Il est étonnant de voir le satisfecit des hauts responsables du pays devant pourtant des échecs successifs des politiques économiques engagées depuis des années. Sans les revenus des hydrocarbures, il serait difficile aux pouvoirs publics d’imaginer des solutions pour développer une machine économique restée trop longtemps coincée dans un «théorisme» stérile freinant toute initiative pour sortir du schéma de mono-source de revenu.
Ce blocage rentier, qui a duré trop longtemps, a des conséquences lourdes et le pays aux multiples richesses ne fait hélas que multiplier les mauvais classements sur les standards internationaux dans différents domaines. Le dernier classement en date est celui effectué par un think-tank américain Heritage Foundation, sur l’indice de liberté économique. L’Algérie récolte une note globale de 49,7 et une piètre position de 162e sur 178 pays examinés.
Le classement de la fondation Héritage recense 5 catégories d’économies, en partant de la «plus libre» (avec un score entre 80 et 100), suivie d’«essentiellement libre» (70-79,9), puis «modérément libre» (60-9,9), essentiellement non libre (50-59,9) et enfin «réprimée» (0-49,9). Du Burundi classé à la 161e place jusqu’à la Corée du Nord à la 178e position, ces pays sont classés dans la catégorie d’Etats où la liberté économique est la plus «étouffée» ou «réprimée».
Faire partie de cette catégorie de pays traduit la réelle nature du système algérien faussement ouvert et foncièrement fermé. La sortie du dirigisme économique des années 70 n’est que théorie et le principe de liberté d’initiative et d’entreprendre est faiblement autorisé. «L’Algérie est classée 13e sur 14 pays de la région du moyen Orient et de l’Afrique du Nord, et son score global est inférieur aux moyennes régionales et mondiales», indique l’indice en notant pourtant une légère amélioration du score de 2,8 points par rapport au précédent classement.
Plaidoyer pour un État de droit
«Après une baisse de dix ans, le score de liberté économique de l’Algérie a augmenté cette année. Il reste réprimé mais est très proche du seuil pour un classement plus élevé», notent dans leurs remarques les rédacteurs du rapport. Ils estiment que pour sortir de cette situation, l’Algérie doit se mettre sur la voie d’une plus grande liberté économique en renforçant notamment son système judiciaire et d’autres institutions garantes de l’Etat de droit.
L’indice constate des faiblesses dans la législation algérienne permettant la liberté économique, notamment dans le droit à la propriété (un score de 34 points), une faible efficacité des procédures judiciaires (41p) et un manque d’intégrité gouvernementale (32,7 points). «Le gouvernement contrôle la plupart des biens immobiliers en Algérie. Des titres de propriété flous et des revendications de propriété souvent contradictoires rendent l’achat de biens immobiliers privés difficile. Bien que les droits de propriété sont garantis et reconnus, les procédures judiciaires peuvent être longues et les résultats imprévisibles.
Le pouvoir judiciaire est généralement faible, lent et soumis à des pressions politiques. Le copinage et la corruption affligent les entreprises et les secteurs publics, en particulier dans le domaine de l’énergie», souligne l’indice dans le chapitre dédié à l’Etat de droit. Le même rapport suggère une plus grande ouverture et une plus grande liberté financière afin d’améliorer le climat des affaires. Dans le chapitre poids du gouvernement ou intervention de l’Etat dans les affaires économiques, l’indice remarque un taux d’imposition le plus élevé sur les revenus des particuliers estimé à 35% et le taux d’imposition le plus élevé sur les sociétés est de 26%. «La charge fiscale globale équivaut à 37,2% du revenu intérieur global.
Les dépenses publiques ont représenté 38,5% de la production totale PIB au cours des trois dernières années, et les déficits budgétaires ont représenté en moyenne 5,4% du PIB. La dette publique équivaut à 46,3% du PIB», note le rapport qui octroie au poids du gouvernement une taille importante, notamment à travers un fardeau fiscal dont le score est de 67,2 points, les dépenses du gouvernement 55,4 points et la santé fiscale 49,1 points.
En notant que l’économie algérienne devrait se contracter de 5,5% cette année, l’indice sur la liberté économique octroie un score de 63,5 à la liberté des affaires, de 51,3 à la liberté de l’emploi et de 84,3 à la liberté monétaire. «Créer une entreprise, gérer les permis de construire et obtenir des connexions électriques sont tous devenus moins chers, mais les coupures d’électricité se produisent à une fréquence légèrement plus élevée. +La valeur ajoutée par travailleur a évolué, augmentant la liberté d’emploi. Le gouvernement, confronté à un déficit budgétaire important causé par la baisse des prix du pétrole, a fortement réduit les subventions aux carburants en 2020», note le rapport.
Concernant la liberté commerciale, le même document souligne que «l’Algérie a deux accords commerciaux préférentiels en vigueur. Le taux tarifaire moyen pondéré en fonction des échanges est de 13,8 % et des couches de barrières non tarifaires sont en place», déplore l’indice en ajoutant que «les investisseur étrangers sont généralement limités au statut de minorité, et les restrictions à la propriété étrangère limitent encore le dynamisme des investissements dont on a tant besoin».
L’indice américain constate également que «le marché des capitaux est sous-développé et le secteur financier reste dominé par les banques publiques». La liberté d’investissement récolte un faible score de 30 points, tout comme la liberté financière.