Les candidats indépendants ont recueilli 78 sièges à l’APN sur les 407, après les élections législatives qui se sont déroulées samedi dernier, au terme d’une campagne terne, marquée par la répression des militants du hirak. Il s’agit d’une première dans les annales politiques du pays.
Cette percée des listes indépendantes a été encouragée directement par le très important taux d’abstention. Signe du fort désintérêt des Algériens, le taux de participation – 23,03% – a atteint le niveau le plus bas de l’histoire de l’Algérie, toutes élections confondues, selon l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE). Ces élections avaient été rejetées par le hirak et l’opposition démocratique, qui avaient appelé au boycott du scrutin.
Le succès des candidats indépendants a été aussi rendu possible grâce au nombre exceptionnel de listes présentées à occasion du scrutin. C’est la première fois qu’un nombre aussi élevé d’indépendants se présente face à des prétendants endossés par des partis traditionnels largement discrédités.
1253 listes d’indépendants validées par l’anie
L’ANIE a validé 1253 listes d’indépendants contre 1237 autres de diverses formations politiques. Pour le scrutin législatif de 2017, la même instance avait retenu moins de 800 listes d’indépendants. En outre, ces indépendants ont bénéficié de l’appui de l’Etat, qui a financé la campagne électorale des candidats âgés de moins de 40 ans. L’Etat a déboursé plus de 460 millions de dinars pour les candidats dits indépendants, en lice pour le scrutin du 12 juin, selon l’ANIE.
Chaque candidat indépendant a bénéficié de 300 000 DA afin de lui permettre de couvrir les frais de campagne et de publicité. Ils ont aussi bénéficié d’un coup de pouce du président Tebboune.
Dès son investiture, le chef de l’Etat a affiché son soutien franc aux associations issues de la «société civile», au détriment du FLN et du RND, dont le soutien est jugé encombrant, afin de faire miroiter sa «nouvelle Algérie». Des observateurs politiques soupçonnent le président Tebboune de nourrir l’idée de puiser parmi cette galaxie pour créer son propre parti présidentiel.
Mouvance hétéroclite
Ces listes indépendantes sont présentées faussement comme un «bloc homogène», selon l’ANIE ou encore la «seconde force politique», derrière le FLN, d’après les médias publics. En réalité, il s’agit d’une mouvance hétéroclite, composée de militants des partis de l’ex-alliance présidentielle et d’apparatchiks sans aucune identité politique.
Beaucoup parmi les candidats inscrits sur les listes indépendantes n’ont pas proposé de projets politiques, mis à part de vagues promesses de changement.
A la veille des élections législatives, le sociologue Nacer Djabi a estimé, dans une interview accordée au journal Liberté, que les partis politiques traditionnels seront «totalement noyés dans cette configuration hétéroclite d’indépendants».
Selon lui, le système «trouvera toutes les peines à gérer un nombre important d’indépendants sans profondeur politique, sans projet et sans programme et il sera amené à gérer des individus». «En définitive, ces élections ne feront qu’amplifier la pagaille du système politique et, en toute logique, son affaiblissement», a-t-il conclu.