Les pharmaciens visent à avertir les distributeurs pour renoncer au diktat que ces derniers tentent d’exercer sur le marché.
Le Syndicat national des pharmaciens d’officine (Snapo) a reconduit hier la grève blanche lancée il y a une semaine à Constantine, en boycottant pour le deuxième dimanche les commandes auprès des distributeurs de médicaments. Le mouvement généralisé cette fois dans les 48 wilayas a été largement suivi, selon les initiateurs, atteignant un taux de 72% en fin de matinée.
Comme rapporté par El Watan, dans le compte rendu du premier dimanche de grève, les pharmaciens visent à avertir les distributeurs pour renoncer au diktat que ces derniers tentent d’exercer sur le marché. «C’est un mouvement qui tient à exprimer la colère des pharmaciens et leur désarroi, en raison de leur quotidien professionnel très difficile, et en raison des problèmes rencontrés en matière d’approvisionnement de leurs officines», expliquent-ils dans un communiqué du Snapo.
Le marché national du médicament est caractérisé par une désorganisation qui profite à des forces «résiduelles» du régime Bouteflika et trop peu soucieuses de l’intérêt du malade. Depuis plusieurs mois, ce marché est marqué par des ruptures récurrentes des stocks touchant des produits essentiels. La liste des médicaments en rupture approche le chiffre de 335 produits et ne cesse de s’allonger.
L’alerte est sonnée par le Snapo qui considère que la mission principale du pharmacien, celle d’assurer l’accessibilité des médicaments aux citoyens «est compromise» par cette pénurie. Auparavant, les pharmaciens de Constantine avaient attiré l’attention sur des pratiques mafieuses imposées par les grossistes-distributeurs, notamment «la rétention des stocks, la dissimulation des produits, les ventes conditionnées, les ventes concomitantes et la ségrégation entre pharmaciens»
Les ruptures, réelles ou provoquées, indique le dernier communiqué du syndicat, entraînent des pratiques inadmissibles sur le marché du médicament, ce qui complique davantage la situation, et pour les pharmaciens, et pour les malades. «L’éthique et la déontologie doivent sévir au sein du secteur de la distribution et doivent être imposées à tous les niveaux du secteur du médicament», espère-t-on. Mais les professionnels d’officine ont leur idée sur l’origine de ces dysfonctionnements et la manière d’y remédier.
«Les difficultés rencontrées aujourd’hui sont le fruit et les conséquences des décisions prises de manière unilatérale et en dehors de toute concertation», est-il expliqué encore.
Silence des autorités
L’Etat est donc placé au centre de la régulation. Et c’est à ce niveau que doit être formulée la solution, notamment, par l’association des représentants des pharmaciens d’officine et tous les acteurs concernés par le médicament dans l’élaboration des textes de loi régissant ce marché. Cela dit, les forces dont l’intérêt réside dans le statu quo ont toujours l’initiative.
«Malgré tous les rapports et correspondances établis par le Snapo, la situation reste inchangée ; bien au contraire, nous enregistrons chaque jour d’autres médicaments qui disparaissent du marché et de nos étalages», écrit le syndicat. Le ministre de la Santé et celui délégué à l’Industrie pharmaceutique sont-ils impuissants face à cette situation, ou alors se neutralisent-ils par un enchevêtrement de prérogatives ?
Les deux n’ont pas en tout cas réagi encore à la grève du Snapo et aucun contact officiel n’est établi avec les grévistes. A croire que cela ne les concerne pas ! Pourtant, l’accès équitable de tous les pharmaciens au médicament n’est pas garanti. Pis, c’est la régularité de la disponibilité des médicaments qui n’est plus garantie, ce qui menace de rompre la sécurité sanitaire.
C’est pourquoi le Snapo a visé à travers ce mouvement à lancer un signal fort aux autorités concernées, plus précisément au président de la République, a déclaré, à El Watan, le vice-président national du Snapo, Abdelhak Zefizef, en espérant mettre le holà dans ce secteur stratégique sous l’emprise des forces de l’argent.