Après un long débat sur les réformes des lois relatives aux élections et sur la représentativité paritaire des femmes, le scrutin du 8 septembre prochain constitue un premier exercice, pour mesurer l’efficience des amendements annoncés en grandes pompes depuis février dernier. Mais du côté des militantes féministes, le pessimisme prévaut.
Depuis l’année dernière, des coalitions associatives et parlementaires ont plaidé pour un renforcement de la participation politique des femmes. Mais à l’approche des élections prévues le 8 septembre, les données officielles ne permettent pas de mesurer en détail le degré de respect de ce principe, dans le cadre des campagnes électorales de l’ensemble des partis politiques qui prennent part au scrutin. Si les récentes réformes électorales peuvent permettre une légère avancée de la représentativité au niveau des régions, cette dernière reste en deçà d’une consécration de la parité basée sur le tiers des candidats et des futurs élus, selon les militantes féministes.
Pourtant, c’est cette demande qui a fait l’objet d’un mémorandum il y a quelques mois, au sein du Collectif Parité maintenant, qui a insisté sur l’urgence de «renforcer davantage les outils visant à engager les femmes dans les postes de décision». Chercheuse en droits des femmes et en bioéthique, auteure de l’ouvrage «Une femme au pays de fouqaha» et membre de la coalition associative, Nouzha Guessous estime que la formule actuelle des élections ne permettra pas de grandes avancées en termes de représentativité des femmes. «Je ne crois malheureusement pas que la consécration de la parité sera effective» d’une manière ou d’une autre, a-t-elle déclaré à Yabiladi.
Dans cette logique, Nouzha Guessous craint que la liste des femmes constitue une échappatoire pour limiter l’espace des candidates, plutôt qu’un mécanisme de renforcement et de soutien à la parité. «Maintenant qu’il y a cette liste où «elles sont casées», on n’a pas besoin d’enlever une place à un candidat homme ailleurs pour que ce soit une femme qui la prenne. Je ne crois donc pas que cela aboutirait à une parité effective qui reflète réellement une démocratie égalitaire et paritaire», soutient la chercheuse.
«La représentation des femmes sera une représentation accordée par des arrangements et des aménagements tels que ceux de la liste nationale, mais pas nécessairement parce que la société politique est convaincue que la participation des femmes est non seulement nécessaire mais que c’est un droit.»
experte internationale en égalité des genres, membre fondatrice de l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM) et coordinatrice nationale du Mouvement pour la démocratie paritaire (MDP), Khadija Rebbah reste également dubitative sur l’efficience de ce qu’elle a qualifié de «réformettes». Citant la loi organique 04.21 modifiant et complétant la loi organique 27.11 relative à la Chambre des représentants, 05.21 modifiant et complétant la loi organique 28.11 relative à la Chambre des conseillers, 06.21 modifiant et complétant la loi organique 59.11 relative à l’élection des membres des conseils des collectivités territoriales et 07.21 modifiant la loi organique 29.11 relative aux partis politiques, elle a souligné auprès de Yabiladi que les dispositions concernant l’accès des femmes aux mandats électoraux n’incluaient pas un principe clair de parité. Elle déplore surtout l’absence de mécanismes de garantie au niveau des listes, comme cela est d’usage dans des pays de la région, à l’image de la Tunisie.
Khadija Rebbah a souligné que depuis 2011, la mise en place des listes régionales a pourtant été une revendication des associations féministes. «Dix ans plus tard, nous sommes face à un petit changement de forme mais pas de fond : au lieu de l’ancienne liste nationale qui garantit 60 sièges (soit 18 à 19% pour les femmes), on est passé à 90 sièges au niveau des régions, donc à 22% à peu près pour les femmes, ce qui reste toujours loin de la parité ; on ne peut même pas parler du tiers», a-t-elle indiqué.
Nous avions beaucoup critiqué la nouvelle loi organique en disant que les dispositifs législatifs sont loin de la parité au regard de la Constitution. Avec ces petites réformettes, nous n’allons clairement pas arriver au tiers au prochaines élections», a déploré l’experte.
Insistant aussi sur une «violence politique» interne dans nombre de partis, l’ADFM a récemment appelé ces derniers à s’aligner sur la logique de l’accès des femmes aux listes électorales. «On a mis à mal les efforts de plusieurs femmes pour qu’elle ne passent pas d’un leadership politique à un leadership électoral, qu’on a voulu invisibiliser. A travers cela et avant même la tenue des élections, on a déjà sapé l’occasion de créer un leadership féminin cette fois-ci au sein du Parlement», a dénoncé Khadija Rebbah, pour qui «la cause noble de l’égalité est une demande sociale et non plus seulement associative féministe».