Certes prévisible, la décision de prolonger l’état d’urgence a suscité bon nombre de réactions de la part des opposants à Kais Saied, mais aussi de la part de ses partisans. Et s’il est vrai que certains ont essayé de mettre de coté leurs positions idéologiques, d’autres tentent de profiter de la situation pour atteindre des objectifs politiques tant convoités et ou essayer d’échapper à la sanction qu’ils méritent.
LES JURISTES ET THÉORICIENS DU DROIT CONSTITUTIONNEL
Une partie des spécialistes en droit constitutionnel estime que la prolongation de l’état d’exception ne va pas à l’encontre de l’article 80 de la constitution. Néanmoins, la majorité des constitutionnalistes pensent que Kais Saied n’agit plus dans le cadre constitutionnel.
Il en est le cas par exemple de la professeure de droit constitutionnel Mouna Kraiem qui a estimé qu’avec cette décision, Saied est définitivement sorti de ce cadre.
D’autres, à l’instar de Sadok Belaid, pensent qu’une approche strictement juridique ne suffit pas pour évaluer ce qui se passe en Tunisie depuis le 25 juillet. En effet, depuis cette date les décisions présidentielles ne tirent pas leur légitimité d’une application rigoureuse des dispositions constitutionnelles, mais de la volonté du peuple qui constitue une base encore plus solide que tous les textes juridiques.
En dépit de ces divergences de vues, il semble que les objectifs derrière ces mesures, à savoir la dissolution implicite de l’ARP et la suspension de la constitution de 2014, fasse l’objet d’un consensus.
D’ailleurs, certains juristes tels que Amin Mahfoudh et Sghaier Zakraoui appellent à mettre en place un texte organisant de façon provisoire les pouvoirs politiques à la place de la constitution de 2014.
LES PARTIS POLITIQUES
Il serait inutile à ce stade de s’attarder sur les réactions des partis à idéologies islamistes tels qu’Ennahdha et Al Karama qui ne cessent depuis le 25 juillet de pleurer une démocratie et une légitimité qui n’ont jamais vraiment existé si on en croit les rapports de la Cour des comptes.
Il serait également inutile de trop s’attarder sur la réaction du Movement Echaâb, allié inconditionnel du président de la République. D’ailleurs des partisans d’Echaâb vont même jusqu’à dévoiler la feuille de route du président de la République, ce qui en dit long sur la nature des relations entre les deux parties.
Un nouveau 18 octobre…
Al Jomhouri (ancien PDL), Al Amal (présidé par Ahmed Nejib Chebbi), Hirak Tounes Al Irada et le Courant démocrate ont farouchement dénoncé la prolongation de l’état d’exception et la suspension des travaux parlementaires.
Ce dernier a en revanche appelé à la reprise des travaux parlementaires mais après la sanction des partis coupables d’infractions électorales. En effet, conformément aux dispositions de l’article 163 de la loi précitée, en plus des sanctions pénales qui leurs seront infligées les membres de la liste ayant bénéficié du financement étranger perdent la qualité de membre de l’Assemblée des Représentants du Peuple. Dans ce cas, le Courant Démocrate se trouverait en pole position si un recomptage des voix est fait.
Le PDL
« Pour ceux qui ne l’ont pas encore compris, le non-retour en arrière ne signifie pas seulement le non-retour à l’avant 14 janvier, mais aussi au système en place avant le 17 décembre », a écrit Naoufel Saied, frère du président de la République Kais Saied dans un post publié hier sur sa page officielle.
Un post qui semble résumer la nature des rapports entre le président de la République et le PDL.
Abir Moussi la présidente du parti a à maintes reprises, critiqué les décisions présidentielles, notamment celle relative à la prolongation de l’Etat d’exception sans rien faire pour « débarrasser le pays d’Ennahdha » durant tout le mois écoulé.
La famille centriste moderniste
Soutenant d’une manière générale les décisions de Kais Saied, des partis appartenant à la famille centriste ont toutefois exprimé leurs scepticismes suite à l’annonce de la prolongation des mesures exceptionnelles, notamment en rapport avec la question des libertés individuelles (en particulier le droit à la libre circulation) et l’absence d’une feuille de route claire.
Commentant ce genre de réaction, Jawhar M’barek qui persiste à qualifier les événements du 25 juillet de « coup d’Etat » a estimé que les partisans de Kais Saied sont pour « le coup d’Etat », mais s’attendent malgré tout à son échec d’où ces demi-mesures.
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