Un incident sur un gazoduc transportant du gaz russe en Europe, ainsi que le refus de Gazprom d’utiliser, au-delà de ses engagements contractuels, les capacités de transit via l’Ukraine ont propulsé le cours de l’or bleu vers des sommets historiques. «Les prix européens du gaz naturel ont de nouveau établi des records lundi [16 août] alors que les importations via les gazoducs russes étaient sur le point de baisser davantage le mois prochain», s’alarmait dès le 16 août Jamison Cocklin, chroniqueur du site spécialisé Natural gas intelligence.
Même constatation chez l’agence de presse russe TASS qui mentionnait, le 17 août, un «maximum historique», pour le prix du gaz naturel dépassant la barre des 580 dollars pour 1 000 mètres cubes. Tout comme le chroniqueur spécialisé, l’agence russe lie en partie cette nouvelle envolée du prix du gaz à la décision de Gazprom de n’acquérir que 4% de la capacité mensuelle de transit de gaz supplémentaire disponible via l’Ukraine. Soit seulement 650 000 mètres cubes en septembre, contre un débit mensuel supplémentaire possible de 15 millions de mètres cubes. Or, les prix du gaz naturel en Europe étaient déjà élevés en raison d’une demande accrue, tant au sein de l’UE qu’en en Russie et d’un niveau de stockage plus faible que d’ordinaire, provoquant des inquiétudes pour l’hiver à venir. Dans le cadre du contrat négocié au forceps et signé le 31 décembre 2019, avec la participation de la Commission européenne, Gazprom s’est engagé à faire transiter 65 milliards de mètres cubes en 2020, puis 40 milliards par an jusqu’en 2024 via l’Ukraine. Le fournisseur de gaz russe peut ensuite acheter des capacités supplémentaires, si nécessaire. Incendie dans le grand Nord Habituellement, la Russie achète une quantité importante de capacité de transit supplémentaire, lorsque ses gazoducs contournant l’Ukraine pompent déjà du gaz vers l’Europe à plein régime. Mais un des principaux gazoducs terrestres russes ralliant l’Allemagne, le Yamal-Europe, ne fonctionne actuellement qu’à capacité très réduite après un incendie, début août, dans l’usine de traitement de gaz du gisement d’Urengoï, le plus vaste du monde, dans le Grand Nord russe. Le 16 août, la station de compression terminale du gazoduc, à Mallnow en Allemagne, recevait encore moins de la moitié du volume habituel. Dans des commentaires transmis à l’AFP, l’agence économique Platts, filiale de Standard & Poor’s, explique que les actuels prix élevés du gaz en Europe sont aussi dus à une baisse d’autres sources d’approvisionnement. «La Russie est désormais le seul pays qui pourrait avoir une production excédentaire, mais pour augmenter ses exportations, elle devrait réserver des capacités supplémentaires via l’Ukraine», commentent-ils. Ils précisent que la baisse des flux à Mallnow a réduit les importations russes de 30 à 45 millions de mètres cubes par jour (mcm/j) depuis le 31 juillet. Un effet collatéral de Nord Stream 2 ? «Bien qu’historiquement les livraisons de Gazprom aient été fiables et que les problèmes aient été résolus rapidement et que nous prévoyons que les flux reviendront au-dessus de 80 mcm/j plus tard ce mois-ci, l’évolution stratégique de Gazprom pour se concentrer sur la valeur par rapport au volume en 2020-2021 pourrait mener à des flux inférieurs plus longtemps», ajoute Platts. En d’autres termes, Gazprom ne chercherait plus à fournir avant tout des volumes de gaz importants, mais à les fournir à un meilleur prix, ce qui augmenterait sa rentabilité, et ne l’encouragerait pas à recourir aux capacités de transit de secours via l’Ukraine. Mais aussi, selon «certains observateurs», cités par l’AFP sans autre précision, Moscou chercherait à «faire monter la pression » en restant sourd aux demandes européennes d’augmenter les livraisons tant que la mise en service du gazoduc controversé Nord Stream 2 n’est pas assurée.