Au cours de l’ère du dernier locataire du ministère de l’Education nationale, tendrement surnommé «le mammouth», ce domaine pourtant hautement stratégique n’a pas vraiment fait sa mue. Saaïd Amzazi a même plutôt accumulé les échecs dans le triple département dont il a la charge. Le chapelet des ratages d’un mandat sous tension.
C’est un peu par «rachetage» que Saaïd Amzazi s’est retrouvé au poste de ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Formation professionnelle. Son tout nouveau collègue au parti du Mouvement Populaire, Mohammed Hassad, s’était fait éjecter après quelques mois seulement de l’installation du gouvernement El Othmani. C’est ainsi que l’ancien président de l’université Mohammed V de Rabat a été adoubé à la tête d’un département qui pèse très lourd, un ministère budgétivore et dont l’efficacité est perpétuellement remise en cause.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le bilan de Saaïd Amzazi est un chapelet d’échecs, de ratages et de crises. «Saaïd Amzazi a échoué dans sa mission car il a été mal conseillé et mal entouré», nous explique un connaisseur de ce triple département. «Comment voulez-vous qu’il réussisse en l’absence de grandes compétences dans son cabinet?», surenchérit Mohammed Derouiche, président de l’Observatoire pour l’éducation et la formation, dans une déclaration pour Le360. Pis encore, même parmi ses collaborateurs, on dénonce son mode de gestion et on lui reproche son «entêtement et son ego démesuré».
L’un des rares succès dont peut se prévaloir le ministre Amzazi, il le doit essentiellement au roi Mohammed VI. La loi-cadre 51-17 portant réforme du système de l’Education nationale, de la formation et de recherche scientifique a été adoptée en 2019 sous l’impulsion du chef de l’Etat. Sauf que son déploiement par le ministère de tutelle laisse à désirer: deux ans après son adoption, les premiers fruits de cette réforme tant attendue n’ont toujours pas muri.
En matière législative, le mandat Amzazi a été plutôt jalonné par le gel de plusieurs projets de loi portant notamment sur l’enseignement supérieur, les académies régionales, l’enseignement privé, sans parler du renvoi aux calendes grecques des promesses concernant «l’amélioration du statut des enseignants chercheurs».
Le ministre ne cesse de se targuer d’avoir rénové et réaménagé quelques facultés. Mais la seule nouveauté dont il peut se prévaloir s’est limitée à instaurer un bachelor, nouveau diplôme dont les premiers lauréats sont attendus pour 2022. Mis à part cela, ses réalisations en matière d’enseignement supérieur peuvent aisément être qualifiées de catastrophiques.
Médecins sans moyenne!
Pour ne prendre que l’exemple de l’enseignement de la médecine, Amzazi a déclenché, par sa gestion chaotique, une crise sans précédent. Les étudiants des facultés publiques, sous son mandat, ont amorcé la plus longue grève de l’histoire de l’enseignement supérieur au Maroc. Ce mouvement de contestation, auquel ont adhéré plus de 18.000 étudiants en médecine, a duré plus de 6 mois, au point de compromettre l’organisation des examens de fin d’année.
Ce long et vaste débrayage a eu le mérite de dévoiler l’amateurisme dont a fait preuve Saaïd Amzazi dans la gestion de la libéralisation de l’enseignement de la médecine. Les revendications des grévistes, portant notamment sur les conditions d’accès à la spécialité et au résidanat, pourraient paraître simples à première vue. Dans le fond, elles renvoient à un malaise profond, aggravé par un sentiment d’injustice.
Malheureusement, au lieu de tirer des enseignements de cette crise qui a fortement entaché l’image du gouvernement, Saaïd Amzazi a enchaîné les décisions qui, loin de revêtir un intérêt général, auraient été dictées par des intérêts personnels. Les circonstances opaques dans lesquelles la Faculté privée de médecine de Marrakech (FPMM) a pu voir le jour, en septembre 2018, sans disposer d’un hôpital de stage adapté, sont là pour montrer que la formation des médecins de demain, sous l’ère Amzazi, est devenue l’apanage de détenteurs de capital dont la qualité de la formation est le dernier de leurs soucis. Pour mieux arranger le business de la FPMM, Saaïd Amzazi a eu l’ingénieuse idée d’abaisser le seuil d’admission dans les facultés de médecine à une toute petite moyenne: 12 sur 20.
Niveler l’enseignement de la médecine par le bas restera l’une des œuvres sinistres d’Amzazi. Les médecins de demain au Maroc porteront le poids de cet héritage, laissé par ce ministre, qui a généralisé un enseignement médiocre qui ne prédispose pas à bien soigner les Marocains -encore moins à sauver des vies.
Nul en dialogue social!
L’autre note médiocre à inscrire sur le bulletin d’Amzazi est en rapport avec la généralisation du pré-scolaire, un sujet dont pourtant il lui arrive de se targuer sans sourciller. «Amzazi dit avoir atteint 90% en matière d’enseignement pré-scolaire. C’est faux et archi-faux!», dénonce Mohamed Darouiche. «Le monde rural est laissé-pour-compte en la matière. Recrutées par des associations locales, quelque 50.000 enseignantes ne perçoivent pas régulièrement leurs salaires», indique un connaisseur du dossier.