Le leader du mouvement Ennahdha et président du Parlement, Rached Ghannouchi, a donné une interview au journal italien « Corriere della sera parue ce vendredi 30 juillet 2021.
Revenant sur les évènements qui se sont produits en Tunisie le 25 juillet et le gel de l’Assemblée décidé par le président de la République Kaïs Saïed, le leader islamiste a souligné que l’Italie a aussi à craindre « si la démocratie n’est pas très vite rétablie dans le pays ».
« Nous sommes tous dans le même bateau. Nous les Tunisiens, l’Europe et surtout vous les Italiens. Si la démocratie n’est pas rétablie très vite en Tunisie, nous allons rapidement sombrer dans le chaos. Le terrorisme peut augmenter, l’instabilité poussera les gens à partir, de quelque manière que ce soit. Plus de 500.000 migrants tunisiens pourraient tenter de rejoindre les côtes italiennes » a-t-il déclaré.
Rached Ghannouchi a affirmé qu’il rejette toutes les décisions de Kaïs Saïed le qualifiant de hors-la-loi qui veut s’accaparer tous les pouvoirs. « Nous résisterons par tous les moyens pacifiques et légaux. Nous lutterons pour le retour de la démocratie. Il doit comprendre que le parlement doit revenir au centre des mécanismes de décision de l’État » a-t-il poursuivi.
Sur la popularité du président et la grogne populaire qui vise particulièrement son parti, le président de l’ARP a affirmé que les médias et les réseaux sociaux ont une part de responsabilité et ont manipulé l’opinion publique.
« Un peu comme en Grande-Bretagne avec le Brexit ou le rôle de la désinformation inspiré par Moscou pour que Trump gagne contre Mme Clinton, Kaïs Saïed s’est imposé avec son populisme en exploitant le mécontentement. L’opinion publique a oublié que de 2011 à aujourd’hui nous n’avons dirigé le gouvernement que de 2012 à 2013, deux années sur dix. Nous avons pu ramener la croissance économique à plus 3 %, aujourd’hui nous sommes à -8 %, soit une baisse de 11 points. Notre popularité demeure élevée, comme en témoigne le fait qu’au moins la moitié des conseillers municipaux à travers le pays sont membres de notre parti. Le 27 février, plus de 200.000 personnes ont défilé à Tunis en soutien à Ennahda » a-t-il indiqué.
Rached Ghannouchi a enfin admis que la violence n’est pas exclue dans ce contexte particulier, que si le coup d’État continue et si la police doit recourir à des moyens dictatoriaux, y compris la torture et les assassinats, elle est même très probable.
« Nous ferons tout notre possible pour éviter cela, mais nous ne pouvons garantir que cela n’arrivera pas. À ce stade, tout le bassin méditerranéen est concerné par la gravité du problème. La France et l’Italie se retrouveront aux premières loges devant garantir leur sécurité aussi pour contrôler le flux croissant de migrants sur les barques » a-t-il conclu.
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