Le ministère de la Santé entend mobiliser le plus grand nombre de lits d’hospitalisation, de moyens logistiques et humains pour faire face à la troisième vague qui s’installe. Le taux des hospitalisations a atteint plus de 75% dans les structures de santé publique.
La courbe épidémique prend depuis quelques jours une allure des plus inquiétantes. Les indicateurs épidémiologiques, notamment, la vitesse de contamination avec les nouveaux variants, baptisé Alpha (britannique) et Delta (indien) par l’OMS, les hospitalisations et les taux grandissant d‘occupation des lits de réanimation, sont tous au rouge.
Un plan d’urgence, qui consiste à augmenter le nombre de lits dans les structures hospitalières à travers les wilayas les plus touchées, est mis en exécution depuis jeudi dernier.
Le nombre de cas d’infection confirmée par PCR a augmenté significativement, dont le bilan dépasse la barre des 400 contaminations, sans compter les cas diagnostiqués par test antigénique ou par sérologie et qui ne sont pas déclarés officiellement. Les laboratoires de biologie médicale ne désemplissent pas, les médecins généralistes sont pris d’assaut, les pharmacies également.
Ce qui prouve encore une fois cette recrudescence de la pandémie. «Plus d’une centaine de prélèvements effectués en une journée sont positifs, que ce soit par test RT/ PCR ou test antigénique», signale un médecin biologiste qui estime que les chiffres annoncés officiellement «ne reflètent pas la réalité». «Tous ces nombreux cas que nous diagnostiquons ces derniers jours ne sont malheureusement pas comptabilisés ni tracés. Nous n’avons pas encore accès à la plateforme du ministère de la Santé alors que ce même ministère a envoyé une instruction en mars dernier à cet effet. Ces malades sont malheureusement dans la nature», déplore-t-il.
Cette tendance à la hausse était prévisible, notent les épidémiologiques et les infectiologues, au vu du relâchement total vis-à-vis des mesures de prévention et les gestes barrières. «Le discours rassurant des autorités quant à la stabilité de la pandémie en Algérie a justement contribué à voir des comportements irresponsables. Le retour aux regroupements familiaux, notamment la célébration des fêtes de mariage et autres circonstances, ont fait qu’aujourd’hui nous entamons la troisième vague tant redoutée», signale une épidémiologie. Les hôpitaux affichent complet ainsi que les services de réanimation.
Le taux d’occupation des lits avoisine les 75%, selon le ministère de la Santé, et dans certains établissements ce taux est de 100%. «Ce n’est que jeudi dernier que le ministère de la Santé a instruit les établissements de santé publique à mettre en place le dispositif nécessaire pour l’ouverture des services Covid supplémentaires.»
Dans la note envoyée aux directeurs des établissements de santé, il est souligné : «Vous êtes instruits à l’effet de ne plus admettre d’hospitalisation hors Covid-19, à l’exception des extrêmes urgences, et rétablir progressivement la capacité en lits dédiés à la prise en charge des patients Covid-19, jusqu’à atteindre celle du 13 juillet 2020, au plus tard le jeudi 8 juillet 2021.»
Et d’avertir les gestionnaires qu’ «aucune négligence ne sera tolérée et votre responsabilité personnelle demeure engagée en cas de non-exécution de la présente instruction».
Des décisions prises à la hâte alors que le personnel de santé n’a pas cessé de signaler, depuis un mois, la tension sur les services hospitaliers et la charge en nombre de patients, dont la majorité présente des formes graves de l’infection qui augmente au fil des jours. Des appels restés sans écho en l’absence d’une communication et de la sensibilisation de la population alors que la campagne de vaccination est encore au point mort.
L’alerte avait déjà été donnée également à la mi-juin dernière par l’Institut national de santé publique (INSP). Dans son dernier bulletin épidémiologique, l’INSP confirme la tendance haussière sur tous les paramètres pour toutes les régions du pays, et ce, depuis plus d’un mois. «Il est impératif de renforcer la vaccination afin d’éviter une troisième vague de même ampleur sinon plus importante que celle observée en novembre», a recommandé l’équipe de l’INSP.
La saturation des services hospitaliers est une réalité aujourd’hui avec une augmentation réelle des besoins en matière de lits d’hospitalisation, d’oxygène et de places en réanimation. Des instructions ont été données dans ce sens pour assurer une meilleure prise en charge des patients Covid-19.
«Nous sommes effectivement submergés après une période de stabilité avec un nombre de cas de Covid au niveau national situé entre 200 à 300 cas. Aujourd’hui, c’est l’explosion et le nombre d’infections est supérieur aux chiffres annoncés», lance le Dr Mohamed Yousfi, président de la Société algérienne des maladies infectieuses et chef de service à l’EPH de Boufarik.
Il rappelle que «cela fait 16 mois que nous travaillons avec quelques moments de répit, le personnel est au bout de ses forces. La pression s’abat sur ces services alors que nous constatons qu’il y a une absence totale de contrôle par les pouvoirs publics concernant le respect des mesures barrières. Nous sommes effectivement au niveau maximal de nos capacités. Nos équipes médicales et paramédicales sont réduites. A ce rythme, il sera difficile de continuer à travailler et nous serons dans l’incapacité de répondre à la demande».
Et d’appeler à renforcer les moyens logistiques, surtout les moyens humains, notamment dans les wilayas où la pandémie explose. Pour le Dr Yousfi, la campagne nationale de vaccination doit être accélérée le plus tôt possible pour toucher le maximum de personnes dans le but d’atteindre l’immunité collective dans les prochains mois.