Jeudi 10 juin, à 48 heures du scrutin législatif, les services de sécurité ont procédé à l’arrestation, à Alger, de Karim Tabbou et des journalistes El Kadi Ihsane et Khaled Drareni. A l’heure où nous mettons sous presse, ils n’ont toujours pas été relâchés.
D’après le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), M. Tabbou et nos deux confrères sont entre les mains de la DGSI, la Direction générale de la sécurité intérieure, au niveau de la caserne Antar, sur les hauteurs d’Alger.
«Karim Tabbou est à la caserne Antar où il est interrogé depuis son arrestation jeudi 10 juin 2021» rapporte, en effet, le CNLD à travers sa page Facebook. Le porte-parole de l’UDS, parti non agréé, a été arrêté «près de chez lui», alertait son frère Djaffar sur Facebook.
Dans un autre post, le CNLD a indiqué que «le journaliste Khaled Drareni a informé sa famille par téléphone qu’il est à la caserne Antar où il est interrogé depuis son arrestation ce jeudi soir».
Par ailleurs, Radio M a fait savoir sur son site web qu’El Kadi Ihsane a été arrêté avant-hier «à sa sortie de son bureau», en fin d’après-midi. Pour l’heure, aucune information n’a filtré sur les raisons de ces interpellations.
Pour rappel, l’ancien premier secrétaire du FFS est sous contrôle judiciaire. Il avait été arrêté le 28 avril dernier et placé en garde à vue suite à une plainte de Bouzid Lazhari, le président du Conseil national des droits de l’homme (CNDH).
On s’en souvient : Karim Tabbou avait pris à partie Bouzid Lazhari près du cimetière de Ben Aknoun lors de l’enterrement de Me Ali-Yahia Abdennour, le 26 avril 2021.
Le jeudi 29 avril, il se voit placé sous contrôle judiciaire par le tribunal de Bir Mourad Raïs. Le journaliste Khaled Drareni, lui, avait été condamné en appel, le 15 septembre 2020, à deux ans de prison ferme. Il sera remis en liberté le 19 février 2021 après 11 mois de détention à la prison de Koléa.
Le 25 mars, la Cour suprême a accepté le pourvoi en cassation introduit par ses avocats. Le directeur de Casbah Tribune devrait donc être rejugé.
Concernant El Kadi Ihsane, il est sous contrôle judiciaire depuis le 18 mai 2021. Il est poursuivi pour ses publications suite à une plainte du ministère de la Communication.
Rappelons que le directeur de Radio M et de Maghreb Emergent avait été convoqué par la brigade de gendarmerie de Bab J’did le 31 mars 2021 et entendu par le procureur de la République près le tribunal de Sidi M’hamed suite, là aussi, à une plainte du ministère de la Communication en réaction à un article publié sur le site radio-m.net le 23 mars 2021 sous le titre : «Pourquoi la place de Rachad doit être protégée dans le hirak».
«Climat de terreur»
Dans un communiqué rendu public hier, les rédactions de Radio M et de Maghreb Emergent ont exigé la libération immédiate d’El Kadi Ihsane et de Khaled Drareni. Les deux médias électroniques ont exprimé de vives inquiétudes quant au sort de leurs collègues en précisant qu’ils étaient toujours «sans nouvelles de leurs deux journalistes, El Kadi Ihsane et Khaled Drareni, interpellés hier en fin d’après-midi par des agents de la DGSI».
«Radio M, l’un des rares médias ouverts à toutes les opinions, notamment celles qui représentent le hirak, subit un acharnement judiciaire sans précédent qui vise à museler la liberté de la presse garantie pourtant par l’article 54 de la Constitution», s’alarment les rédactions de Radio M et Maghreb Emergent avant de souligner : «Les journalistes de ces deux médias, qui existent depuis plus de 10 ans, sont indignés par le climat de terreur qu’ils subissent et dénoncent fortement cette situation répressive. Ils exigent la libération immédiate et sans condition de leurs collègues.»
Outre Karim Tabbou, El Kadi Ihsane et Khaled Drareni, de nombreux citoyens, des activistes pro-hirak pour la plupart, ont été arrêtés dans diverses régions du pays hier et avant-hier.
Selon des informations diffusées via les réseaux sociaux par le CNLD et par le militant Zaki Hannache, qui suivent de près l’activité judiciaire du hirak, cette campagne d’arrestations a touché jeudi, entre autres, les citoyens Smail Aggoune (Alger), Sofiane Rebaï (Oran), Saïd Salim et Mohamed El Bahi (tous deux de Bordj Menaïel).
En outre, il a été enregistré hier l’interpellation à Tizi Ouzou de maître Mostefa Bouchachi et des avocats Nabila Smaïl et Aïssa Rahmoune, tous trois membres du collectif de défense des détenus d’opinion. Toujours à Tizi Ouzou, il nous a été signalé également l’interpellation de l’ancien détenu d’opinion Walid Nekkiche.
D’autres activistes ont été embarqués au cours de la journée d’hier, d’après Zaki Hannache et le CNLD : Amine Akssa à El Harrach, l’ancienne détenue Dalila Touat, ainsi que des citoyens Alioui Bouabdallah et Brahim Ould Amdari à Mostaganem, Sid Ahmed Medeledj à Tlemcen, ou encore Oussama Kebaïli et son frère à Annaba. Et la liste reste ouverte.
Selon le site Algerian Detainees, nous en sommes à «223 détenus d’opinion dans 34 wilayas». Sur sa page Facebook, Algerian Detainees précise qu’il y a eu durant la seule journée de ce jeudi «au moins 10 Algériens arrêtés, dont 2 journalistes».