Les laboratoires Servier ont été reconnus coupables, lundi, de “tromperie aggravée” et “homicides et blessures involontaires” et condamnés à 2,7 millions d’euros d’amende dans l’affaire du Mediator, un médicament qui serait responsable de plusieurs centaines de décès en France.
Plus de dix ans après le retentissant scandale du Mediator, un médicament tenu pour responsable de centaines de décès, le tribunal de Paris a rendu, lundi 19 mars, son jugement : les laboratoires Servier sont reconnus coupables de “tromperie aggravée” et d'”homicides et blessures involontaires” et ont été condamnés à une amende de 2,7 millions d’euros.
“Malgré la connaissance qu’ils avaient des risques encourus depuis de très nombreuses années, (…) ils n’ont jamais pris les mesures qui s’imposaient et ainsi trompé” les consommateurs du Mediator, a déclaré la présidente du tribunal correctionnel, Sylvie Daunis. Le groupe pharmaceutique a toutefois été relaxé du délit d'”escroquerie”.
Lors des “517 heures et quelques minutes d’audience” d’un procès-fleuve ouvert en septembre 2019 et clos en juillet 2020, une question a été centrale : comment le Mediator a-t-il pu être prescrit pendant trente-trois ans malgré les alertes répétées sur sa dangerosité?
Pour l’accusation, les laboratoires Servier ont sciemment dissimulé les propriétés anorexigènes [coupe-faim] et les dangereux effets secondaires de ce médicament, utilisé par 5 millions de personnes jusqu’à son retrait du marché en 2009.
“Volonté délibérée de tromper” ?
Dans ses réquisitions, la procureure Aude Le Guilcher avait appelé à “restaurer la confiance trahie” en sanctionnant le “choix cynique” et le “sinistre pari” d’une firme ayant privilégié “ses intérêts financiers” à la santé des consommateurs du médicament, malgré “les risques qu’elle ne pouvait ignorer”.
Un total de 10,228 millions d’euros d’amendes avait été demandé à l’encontre de la maison-mère et de cinq sociétés du groupe pharmaceutique, poursuivies pour “tromperie aggravée”, “escroquerie” et “homicides et blessures involontaires”.
Cinq ans de prison dont trois ferme et 200 000 euros d’amende avaient été réclamés contre Jean-Philippe Seta, l’ex-numéro 2 de la firme et ancien bras droit de son tout-puissant dirigeant Jacques Servier, décédé en 2014. Il a finalement été condamné à quatre ans de prison avec sursis.
Les laboratoires Servier se sont toujours inlassablement défendus d’une “volonté délibérée de tromper”. “Ils n’ont pas identifié un signal de risque significatif avant 2009”, a argué l’un des avocats du groupe, François de Castro.
L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM, ex-Afssaps), accusée par le parquet d’avoir “gravement failli dans sa mission de police sanitaire”, a été condamnée à une amende de 303 000 euros.
Jugée pour “homicides et blessures involontaires” par négligence, pour avoir tardé à suspendre le Mediator, l’ANSM a reconnu lors du procès une “part de responsabilité” dans le “drame humain” du Mediator et n’a pas sollicité la relaxe.
Les premières alertes sur la toxicité du médicament, à l’origine de graves lésions des valves cardiaques (valvulopathies) et d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), une pathologie rare et mortelle, avaient éclos dans les années 1990.
Une décennie après la révélation au grand public de l’un des pires scandales sanitaires français par la pneumologue Irène Frachon, les parties civiles attendaient “une condamnation à la hauteur des agissements répétés et volontaires du groupe Servier”, qui devait “marquer le temps et changer les mœurs”, a expliqué l’une de leurs avocates, Martine Verdier.