Les pays européens se pressent pour signer des accords de coopération avec l’Algérie, mais la capacité de production du pays est entravée par des problèmes structurels.
Il a exhorté les chefs d’État européens à chercher à resserrer les liens avec l’Algérie dans le sillage des sanctions économiques imposées à la Russie.
Les questions de sécurité et d’infrastructure peuvent entraver la coopération et il est peu probable que l’Algérie rompe ses liens avec Moscou pour plaire à l’Occident.
Le 5 septembre, le président du Conseil européen Charles Michel est arrivé en Algérie, le plus grand exportateur de gaz d’Afrique, pour souligner la nécessité d’une coopération à un moment très difficile pour l’approvisionnement énergétique de l’Europe. M. Michel a décrit le pays d’Afrique du Nord comme un “partenaire fiable, loyal et engagé dans la coopération énergétique”.
La guerre en Ukraine a entraîné des bouleversements géopolitiques non seulement en Europe, en Russie et en Asie, mais aussi sur le continent africain. Soudainement confrontés à une crise énergétique extraordinaire, les dirigeants européens commencent à apparaître dans les principales capitales africaines du pétrole et du gaz. Le Premier ministre italien Mario Draghi, le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Schulz ont fréquemment traversé la Méditerranée ces derniers mois. L’Algérie, après des années d’auto-isolement, est devenue une destination populaire malgré son abstention le 2 mars lors d’un vote de l’ONU sur l’occupation de l’Ukraine par la Russie. L’Algérie veut laisser la porte ouverte à tous les acteurs internationaux. D’ailleurs, la Russie et les États-Unis sont venus ces derniers mois.
Cette année, l’Algérie a été plus que jamais au centre de l’attention des Européens.
En juillet 2022, les compagnies pétrolières italienne Eni, américaine Occidental et française Total ont signé un contrat de partage de la production de pétrole et de gaz d’une valeur de 4 milliards de dollars avec la société publique algérienne Sonatrach, qui fournira de grandes quantités de gaz naturel à des pays comme l’Italie. L’accord est très important. Avant l’occupation russe de l’Ukraine, l’Algérie ne fournissait à l’UE que 11 % de ses besoins en gaz, contre 47 % pour la Russie. Le pays africain exporte environ 83 % de son gaz vers l’Europe, principalement vers l’Italie et l’Espagne, qui ont reçu en 2021 65 % des exportations de gaz algérien. Cependant, le pays dispose aujourd’hui d’une capacité de production limitée qui compromet sérieusement ces projets d’expansion. Il y a un besoin urgent d’exploration, de développement des infrastructures et d’investissements.
L’un des projets les plus pertinents à cet égard est le gazoduc transsaharien, qui augmenterait considérablement le flux d’approvisionnement vers l’Europe. Le projet a été confirmé fin juillet par les ministres de l’énergie de l’Algérie, du Nigeria et du Niger, faisant de l’Algérie un important pays commerçant d’énergie. Environ 70 % du gazoduc traversera le territoire algérien, ce qui permettra au pays d’engranger d’importantes recettes qui augmenteront à terme la capacité d’investissement de Sonatrach. Il y a quelques semaines à peine, un nouveau champ pétrolier a été découvert dans le sud-ouest du pays, Hassi Elato Est 1, qui contient entre 48 et 150 millions de barils selon les estimations préliminaires.
L’Algérie est-elle le seul bon choix ?
Ces dernières années, les relations extérieures de l’Algérie ont parfois été marquées par des tensions liées aux revendications territoriales au Sahara occidental. Le Front Polisario, une organisation réclamant l’autodétermination du Maroc, a reçu un soutien militaire et financier d’Alger au cours de la dernière décennie. En juin 2022, l’Espagne s’est rangée du côté du Maroc dans ce conflit. En réponse, l’Algérie a suspendu son traité de coopération de 2002 avec Madrid, ce qui pourrait constituer une violation du droit commercial européen.
Ce n’est pas la première fois que les pays occidentaux se rangent du côté du Maroc – l’administration Trump a reconnu la souveraineté marocaine sur la zone contestée – mais elle n’a jamais répondu à l’Algérie avec une telle force. Le Maroc s’est montré de plus en plus affirmatif sur la question, gagnant des alliés à l’étranger. En réponse, l’Algérie a cherché à intensifier ses relations avec des partenaires historiques comme l’Italie et la France. En mai 2022, le président Abdelmadjid Tebboune s’est rendu à Rome pour signer un nouvel accord visant à faire de l’Algérie le principal fournisseur d’énergie de l’Italie.
faits et chiffres
Le tracé prévu du gazoduc transsaharien
Ces accords récents ont permis à Alger de mettre en œuvre des mesures de sécurité sociale et des avantages pour ses citoyens. Cependant, l’Algérie a été critiquée pour de nombreuses violations des droits de l’homme, telles que la répression politique et les abus envers les minorités – des choses sur lesquelles l’Europe doit fermer les yeux pour le moment. La richesse énergétique du pays va certainement alléger la pression exercée sur les dirigeants pour qu’ils s’attaquent à des problèmes de longue date tels que le chômage des jeunes et la réforme économique.
Un passé inconfortable, un avenir radieux
L’Algérie a célébré le 60e anniversaire de son indépendance le 5 juillet 2022.
Cette année, le pays a été plus que jamais au centre de l’attention européenne. Paris a tenté de réparer les fractures post-coloniales, comme en témoigne le voyage de trois jours du président Emmanuel Macron fin août, après cinq ans d’absence. Le président français était accompagné d’une délégation de 90 personnes, dont six ministres et plusieurs chefs d’entreprise, comme le PDG de la société énergétique Engie.
Si cette année a été faste pour l’Algérie, l’administration Tebboune – élue démocratiquement en 2019 – ne semble pas être à la hauteur, et pas seulement en termes de relations internationales comme les tensions avec le Maroc ou l’Espagne. De nombreuses preuves montrent que la classe politique algérienne est toujours profondément corrompue.
Compte tenu de la menace terroriste permanente et des tensions régionales avec le Maroc, l’augmentation des revenus énergétiques est susceptible d’aller dans les caisses du puissant appareil militaire algérien.
Tebboune est arrivé au pouvoir avec le soutien de l’armée à la suite du soulèvement du Hirak en 2019. Mais de nombreux segments du peuple algérien ne le soutiennent pas, et l’opposition doit être tenue à l’écart. L’armée algérienne reste un acteur politique profondément influent.
Scénarios
Compte tenu de la menace terroriste permanente et des tensions régionales avec le Maroc, l’augmentation des recettes énergétiques risque d’aller dans les caisses du puissant appareil militaire algérien.
Il est susceptible de mettre en avant la coopération entre l’armée algérienne et la Russie. Bien que l’armée ait tenté de maintenir une certaine neutralité, entre 2016 et 2020, Moscou a vendu des armes pour environ 4,2 milliards de dollars à Alger, devenant ainsi son principal fournisseur. Bien que le paysage géopolitique ait changé en raison de la guerre en Ukraine, rien n’indique que l’on s’éloignera de la Russie à cet égard.
Relations plus étroites avec la Russie et recul démocratique
C’est le scénario le plus probable, étant donné que les relations entre l’Algérie et Moscou datent de plusieurs dizaines d’années et qu’il existe un modèle ancien d’intervention militaire dans la vie politique du pays. Un rapprochement accru avec la Russie sera certainement exploité pour accroître les tensions avec le Maroc et les pays qui le soutiennent, comme cela s’est déjà produit avec l’Espagne. L’Europe devra réévaluer ses priorités et décider si elle veut tolérer les violations des droits de l’homme et l’amitié de l’Algérie avec Moscou.
L’Algérie est alliée de l’Occident et éloignée de la Russie
Cette possibilité est hautement improbable. Mais dans ce cas, la transition du pays vers une démocratie fonctionnelle est susceptible de s’accélérer. Les investissements occidentaux augmenteront, non seulement dans les infrastructures mais aussi dans la lutte contre la corruption, véritable mal endémique en Algérie.
L’éclatement d’un conflit armé dû aux tensions avec le Maroc
Si cela se produit, la communauté internationale sera appelée à intervenir, ce qui polarisera davantage les acteurs extérieurs pro- ou anti-Maroc, surtout maintenant que le rôle de l’énergie algérienne est devenu si important. La Russie profitera de cette issue car elle augmentera la friction générale entre l’Europe et les pays d’Afrique du Nord. Mais ce scénario est peu probable à court et moyen terme.
Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement l’opinion du site d’information du Maghreb Arabe, mais expriment exclusivement celle de son auteur.