Rabat – Yasmina Benslimane est une féministe, une militante des droits de l’homme, une diplômée en politique, une bâtisseuse de paix des Nations unies, la fondatrice du mouvement mondial Politics4Her (P4H) et une coach en autonomisation des femmes.
En résumé, une femme imposante née et élevée au Maroc, avec une origine multiculturelle. Benslimane possède une passion contagieuse, qu’elle a partagée dans une interview avec Morocco World News, expliquant son dernier projet, Women For Leadership (W4L).
Dans le cadre de ce projet naissant, les jeunes femmes marocaines, les migrants et les réfugiés ont la possibilité de devenir des leaders dans leurs communautés, ce qui leur donne une voix qui aurait été ignorée ou réduite au silence auparavant.
Le programme veille à ce que ses participants reçoivent une formation et entendent des membres influents sur des sujets tels que les avortements clandestins, la stigmatisation des règles, la santé sexuelle et le droit national et international.
“Comme beaucoup d’entre vous, je n’ai pas un rêve, j’en ai plusieurs”, souligne Benslimane en s’adressant aux femmes qui se sont inscrites au projet.
Comment a commencé W4L ?
En tant que membre de Women Deliver, Benslimane a demandé une subvention pour créer un projet innovant qui s’est matérialisé en W4L. “Quels sont les problèmes urgents au Maroc ?” Elle a délibéré avant de choisir finalement de se concentrer sur les droits reproductifs des femmes.
Le Maroc ne disposant pas d’un cadre éducatif solide où les jeunes peuvent s’informer sur des sujets tels que la santé sexuelle et les droits reproductifs, l’initiative de Benslimane vise à combler les lacunes du système.
“Nous voulons que les femmes soient des leaders, nous voulons qu’elles aient les outils et les ressources nécessaires pour aller de l’avant et mettre en œuvre le changement”, déclare-t-elle.
Benslimane explique que les femmes sont trop souvent exclues de la politique et de la prise de décision, ajoutant que le manque de représentation des femmes est évident dans les organes gouvernementaux marocains, fortement dominés par les hommes.
“Nous devons être entendus, avec une représentation inclusive équitable”, raisonne-t-elle. “Nous ne pouvons pas y parvenir si nous sommes écartés du processus de décision.”
Rencontrer l’équipe
Les futures dirigeantes, comme les appelle Benslimane, qui participent au projet ont reconnu le besoin de représentation. Elles ont choisi de faire partie du programme parce qu’elles ont vécu ou vu des violences sexistes ou des problèmes qu’elles veulent changer dans leur société.
À la fin de l’été, après avoir reçu une centaine de candidatures, le groupe final de participants a été réduit à douze jeunes femmes âgées de 18 à 25 ans et provenant de différentes régions.
Si certaines des participantes sont marocaines, des candidatures de Syrie et de Libye ont également été reçues. Soucieux de supprimer les barrières imposées par la nationalité ou le pays de résidence, les organisateurs organisent la formation en ligne.
“L’éthique du projet est basée sur une culture de la compassion et de la sororité”, a expliqué M. Benslimane. “Nous sommes très organisés et à l’écoute des demandes et des besoins de nos participants”.
Les participantes, qui ont déclaré avoir “adoré” leur expérience jusqu’à présent, sont prêtes à recevoir leur diplôme en décembre. Leur cérémonie de remise des diplômes aura lieu au Maroc.
S’attaquer aux problèmes du Maroc
“Le Maroc est confronté à des stéréotypes sociaux, religieux et culturels. Les femmes n’ont pas le droit d’être des agents du changement dans leur société”, exprime Mme Benslimane.
“Elles ne peuvent pas s’épanouir. Les femmes font face à de nombreuses pressions au Maroc et dans le monde, que les hommes n’ont pas forcément”, ajoute-t-elle.
“La constitution a garanti l’égalité des sexes en 2011, pourtant cela n’a pas été suivi d’un changement dans le code pénal”, explique la militante, estimant que le cadre juridique marocain n’est pas du côté des femmes.
L’amendement des lois est un aspect crucial du programme, qui lutte pour le changement de lois controversées comme l’article 490 qui interdit les relations sexuelles avant le mariage.
Les droits reproductifs sont un autre sujet sous les projecteurs, car les lois sur l’avortement dans le pays restent très restrictives. Actuellement, la procédure n’est autorisée que si le fait de mener une grossesse à terme représente un danger pour la santé de la mère.
Cette situation a conduit de nombreuses personnes à demander une réforme de la loi afin de prendre en compte les victimes d’inceste, de viol et les personnes en mauvaise santé. Actuellement, ces personnes ne peuvent avoir accès qu’à des avortements clandestins illégaux, qui mettent leur vie en danger.
Les membres de W4L apprennent à rédiger des politiques afin de pouvoir travailler sur des amendements législatifs. Benslimane a évoqué des cas antérieurs, comme le suicide d’Amina Filali, 16 ans, qui était forcée d’épouser son violeur. La loi, qui permettait aux violeurs d’échapper aux poursuites, n’a été abrogée qu’en 2014.
Benslimane a dénoncé l’inefficacité du système législatif marocain, expliquant que les lois peuvent mettre plusieurs années à changer de leur perspective originale centrée sur les hommes.
Chaque session hebdomadaire de la formation sera suivie par des intervenants de différents domaines afin de donner aux participants des connaissances approfondies sur la manière d’apporter des changements à la situation des femmes au Maroc.
Des espoirs pour l’avenir
“Je crois que le projet sera un succès”, a exprimé M. Benslimane avec optimisme. “Après la remise des diplômes, nous maintiendrons le contact et soutiendrons ces femmes dans leur parcours pour mettre en œuvre ce qu’elles ont appris en s’engageant auprès des ONG, de la société civile, des législateurs et des parties prenantes.”
Des kits d’outils et des ressources seront traduits en plusieurs langues pour aider les membres du programme à utiliser ce qu’ils ont appris et à être le changement nécessaire dans leur société.
Mme Benslimane a conclu en disant qu’elle souhaitait que les femmes soient des “catalyseurs du changement” et réalisent des avancées législatives concrètes.