Un haut responsable saoudien a lancé ce qui s’apparente à une menace de mort contre Agnès Callamard, rapporteuse spéciale des Nations unies pour les droits de l’homme, à la suite de son enquête sur l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi.
C’est ce qu’affirme l’enquêtrice dans un entretien avec le quotidien britannique The Guardian paru mardi 23 mars.
Elle confie ainsi qu’un collègue de l’ONU l’avait alertée en janvier 2020: un haut responsable saoudien, lors d’une réunion «de haut niveau» à Genève entre des cadres onusiens et saoudiens, avait prévenu à deux reprises qu’elle «serait prise en charge si l’ONU ne l’arrêtait pas [dans ses investigations]».
Selon Agnès Callamard, le commentaire du responsable saoudien, dont l’identité n’a pas été révélée, a été perçu par ses collègues à Genève comme une «menace de mort».
Lors de cette réunion, les responsables saoudiens ont «critiqué» son enquête et ont «exprimé leur colère» quant aux conclusions de son travail. Ils ont accusé Agnès Callamard d’avoir été «payée par le Qatar», «un refrain fréquent contre les critiques du gouvernement saoudien», commente The Guardian.
Et c’est là qu’un des responsables saoudiens, poursuit la rapporteuse de l’ONU, a «déclaré qu’il avait reçu des appels téléphoniques de personnes qui étaient prêtes à +s’occuper d’elle+».
«Lorsque les responsables de l’ONU ont exprimé leur inquiétude, d’autres Saoudiens présents ont cherché à les rassurer sur le fait que ce commentaire ne devait pas être pris au sérieux. Le groupe saoudien a ensuite quitté la pièce mais, a-t-on dit à Callamard, le haut responsable saoudien en visite est resté et a répété la menace présumée aux responsables de l’ONU restants dans la pièce», poursuit le journal britannique.
«Je dois faire ce que j’ai à faire»
Plus précisément, le responsable saoudien a déclaré qu’il connaissait des personnes qui avaient proposé de «régler le problème si vous ne le faites pas».
«Cela m’a été rapporté à l’époque et c’était un moment où les Nations unies étaient en fait très fortes sur cette question. Les personnes présentes ont clairement fait savoir à la délégation saoudienne que c’était absolument inapproprié et que l’on s’attendait à ce que cela n’aille pas plus loin», a ajouté Agnès Callamard au Guardian.
L’enquêtrice avait, en juin 2019, publié son rapport très attendu sur l’assassinat de Khashoggi.
Sur près de 100 pages, elle fournit le récit public le plus complet à ce jour des derniers instants du journaliste avant son assassinat par un escadron d’agents saoudiens dans le consulat du royaume à Istanbul, le 2 octobre 2018.
Ce rapport fournit des preuves crédibles de la responsabilité du prince héritier Mohammed ben Salmane et d’autres hauts responsables saoudiens dans le meurtre de Khashoggi.
Ces menaces, selon The Guardian, «renforceront probablement l’opinion des experts des droits de l’homme selon laquelle le gouvernement saoudien a agi en toute impunité à la suite du meurtre de Khashoggi en 2018».
«Vous savez, ces menaces ne fonctionnent pas sur moi. Je ne veux pas appeler à plus de menaces. Mais je dois faire ce que j’ai à faire. Cela ne m’a pas empêché d’agir d’une manière que je pense être la bonne chose à faire», a conclu Agnès Callamard.
AlAhed