L’establishment occidental n’a pas condamné “le rôle présumé d’Israël dans l’empoisonnement de scientifiques iraniens, une approche très différente de celle adoptée à l’égard de l’implication présumée de la Russie dans la tentative d’assassinat de Sergueï Skripal”.
Le rapport du New York Times de lundi dernier, selon lequel des responsables du gouvernement iranien soupçonnent l’implication d’Israël dans le récent assassinat de deux scientifiques iraniens – Ayoub Insari et Kamran Aghmalai – ne devrait pas surprendre les observateurs.
Dans la longue guerre de l’ombre entre Téhéran et Tel Aviv, l’assassinat de responsables iraniens par des agents israéliens est devenu un pilier de l’État sioniste.
En fait, les décès d’Antzari et d’Agmoulai sont survenus moins de deux semaines après que le motocycliste Hassan Sayyad Khodaei, colonel du Corps des gardiens de la révolution islamique d’Iran, a été tué à Téhéran, le membre le plus haut placé de cette force d’élite à être tué depuis. Le commandant de la Force Qods, Qassem Soleimani, a été assassiné par un drone américain en janvier 2020, ce qui a poussé Washington et Téhéran au bord de la guerre.
L’utilisation d’une moto dans l’assassinat de Khozaei présente également une ressemblance frappante avec l’assassinat de plusieurs scientifiques nucléaires iraniens entre 2010 et 2012, avec une implication israélienne confirmée ultérieurement par des responsables américains, tout comme les responsables israéliens eux-mêmes ont confirmé l’implication de Tel-Aviv en novembre 2020. L’assassinat de l’éminent physicien iranien Mohsen Fakhrizadeh dans une attaque comprenant des tirs automatiques d’un drone télécommandé alors que le scientifique traversait en voiture la ville rurale iranienne d’Absard.
La façon dont Intzari et Agamulai sont morts, à la suite de leur empoisonnement présumé, devrait également rappeler aux observateurs le cas de l’ancien officier de renseignement russe et agent double britannique Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia, tous deux retrouvés sur un banc dans le parc de Salisbury en mars 2018 à la suite d’un empoisonnement à l’agent neurotoxique.
Cependant, la réaction de l’establishment occidental aux deux incidents présente un contraste saisissant.
À la suite de l’attaque Skripal, 23 diplomates russes seront expulsés de Grande-Bretagne, une mesure qui sera reproduite dans tout l’Occident dans les semaines qui suivront la tentative d’assassinat. Il s’agit de la plus grande expulsion massive de diplomates russes de l’histoire jusqu’à l’intervention militaire russe en Ukraine de cette année. Et une mesure qui n’a pas été proposée jusqu’à présent sera utilisée contre “Israël” en réponse aux allégations de son implication dans l’empoisonnement d’Ayoub Intisari et de Kamran Aghmlai.
Pour comprendre cette approche très différente à l’égard de la Russie et d'”Israël”, il faut tenir compte des facteurs géopolitiques plus larges qui jouent un rôle dans la relation de l’Occident avec Moscou et Tel Aviv ainsi qu’avec Téhéran.
En mars 2011, une opération de changement de régime a été lancée contre la République arabe syrienne, après que le président Bachar el-Assad a refusé en 2009 d’autoriser le Qatar, allié de l’Occident, à construire un pipeline à travers son pays, ce qui aurait mis à mal sa relation avec un allié clé. La Russie.
Timber Sycamore, le nom de code officiel de la CIA pour l’opération, verra l’armement, le financement et l’entraînement de combattants salafistes cherchant à renverser le pouvoir laïc d’Assad et à le remplacer par un régime théocratique favorable à l’Occident – la Grande-Bretagne, “Israël” et l’Arabie saoudite jouant également un rôle clé dans la tentative de changement de régime.
En juin 2013, l’Iran, principal allié régional de la Syrie, interviendrait dans le conflit à la demande de Damas, Téhéran étant parfaitement conscient que si la République arabe était tombée, la République islamique aurait été la prochaine à connaître une “révolution orchestrée par les États-Unis”.
Bien que cet effort iranien jouera un rôle majeur pour contrer l’attaque terroriste soutenue par l’Occident qui a corrompu son allié arabe, ce qui pourrait être le facteur le plus décisif dans le conflit est la campagne aérienne russe qui a commencé en septembre 2015, toujours à la demande de Damas, dont Elle sera décisive pour aider l’Armée arabe syrienne à reconquérir de larges pans de son territoire qui étaient sous le contrôle des terroristes.
C’est ici qu’intervient la contradiction flagrante dans la relation de l’Occident avec la Russie, l’Iran et “Israël”.
En tant qu’allié clé de l’Occident depuis sa création en mai 1948, Israël a joué un rôle particulièrement critique dans la politique étrangère des États-Unis au cours des 20 dernières années, comme en témoignent l’implication d’Israël dans les attentats du 11 septembre qui ont précipité la “guerre contre la terreur” menée par les États-Unis, les pressions exercées en faveur de la guerre en Irak et le rôle clé de Tel Aviv dans le projet de changement de régime en Syrie mentionné plus haut.
Cette situation contraste avec celle de l’Iran, autrefois allié de l’Occident jusqu’à la révolution islamique de 1979, au cours de laquelle le Shah Pahlavi, soutenu par les Etats-Unis et le Royaume-Uni, a été renversé et remplacé par l’Ayatollah Khomeini, anti-occidental et antisioniste, Téhéran restant depuis lors un ennemi constant de Washington et de Tel Aviv.
C’est également la raison pour laquelle l’establishment occidental n’a pas condamné “le rôle présumé d’Israël dans l’empoisonnement de scientifiques iraniens, une approche très différente de celle adoptée à l’égard de l’implication présumée de la Russie dans la tentative d’assassinat de Sergueï Skripal.