Le mouvement ne se limite plus uniquement à la journée de grève prévue aujourd’hui au niveau national, à l’appel de l’Union des barreaux d’Algérie. De nombreux bâtonnats se sont joints à la décision de boycott des juridictions, prise par le bâtonnier de Blida, pour toute la semaine en cours, alors que leurs confrères d’Alger déserteront aujourd’hui et demain les audiences.
La contestation des robes noires contre l’incarcération, mercredi dernier, de leur confrère du barreau de Blida ne s’arrête plus à la grève d’aujourd’hui, décidée par l’Union nationale des barreaux d’Algérie (Unba).
De nombreux barreaux, entre autres, Bouira, Biskra, Tizi Ouzou, Béjaïa, Ouargla, Sétif, Aïn Defla, Tipasa, Chlef, se sont solidarisés avec leurs confrères de Blida, en annonçant un arrêt de travail de protestation (depuis dimanche dernier) durant toute la semaine en cours.
Les avocats d’Alger entameront, pour leur part, une grève aujourd’hui et demain, en attendant la réunion extraordinaire de l’Unba, prévue demain au barreau de Blida, où sera rendue la décision de la chambre d’accusation relative à la demande de mise en liberté de leur confrère.
Contacté, le bâtonnier, Me Abdelmamdjid Sellini, affirme que le Conseil « s’est prononcé sur la décision de la grève de deux jours, à partir de demain, en attendant la décision de la chambre d’accusation de Blida, mercredi ; cette juridiction est souveraine, certes, dans ses décisions, mais nous l’appelons juste à respecter la procédure et les dispositions légales, pour éviter une telle crise. Il est malheureux que l’on en arrive à une telle situation ».
Pour sa part, le bâtonnier de Blida, Me Abdelaziz Mejdouba, explique que «le débrayage au niveau de sa circonscription a commencé mercredi dernier, lorsque la chambre d’accusation qui, au lieu de statuer, comme il est d’usage, le jour même sur la demande de mise en liberté d’un avocat, a mis en délibéré l’affaire sous huitaine, provoquant la colère des confrères.
Il est important de savoir qu’au-delà du fait, du caractère privé de l’affaire, il n’en demeure pas moins que depuis les amendements de 2015, le code de procédure pénale stipule que le prévenu comparait devant le juge en étant libre, d’autant qu’il possède deux adresses, l’une personnelle et l’autre professionnelle, en tant qu’avocat. Son maintien en détention est considéré par les avocats comme un acharnement.
Boycott
A l’issue d’une réunion extraordinaire tenue le jour même, le Conseil de l’Ordre a décidé, en raison de cette grave dérive, de boycotter, jusqu’à nouvel ordre, toutes les activités judiciaires avec les juridictions qui dépendent de sa circonscription, à savoir les cours de Tipasa, Chlef, Aïn Defla, et tous les tribunaux administratifs qui leur sont rattachés, ainsi que le tribunal et la cour militaires, à l’exception des affaires liées à des délais».
L’avocat en profite pour fustiger les déclarations du président du Syndicat national des magistrats (SNM), Issaad Mabrouk, et rappelle le contenu de son communiqué rendu public dimanche dernier. «Ces propos sont irresponsables et ne cadrent pas avec le statut de leur auteur.
Entre avocats et magistrats, il y a une relation profonde en partenariat, forte dans sa construction qui incarne l’âme du corps (…), le président du syndicat aurait dû recourir à des propos qui respectent les usages de l’appareil judiciaire avec toute sa composante. La solidarité des avocats pour la défense de leurs droits et leur sacrifice pour faire entendre le cri de la liberté font partie des traditions et des principes consacrés à travers le temps chez toutes les nations qui respectent le droit de la défense.
Les propos du président du Syndicat national des magistrats constituent un dérapage grave et inédit, qui ne cadre pas avec le poste qu’il occupe et le secteur qu’il représente. Les qualificatifs utilisés pour désigner les avocats constituent des faits punis par la loi et l’organisation se réserve le droit de prendre les mesures légales nécessaires», déclare Me Mejdouba.
Pour ce qui est de la solidarité des avocats, il affirme que de nombreux barreaux se sont déclarés en grève, depuis dimanche dernier, pour toute la semaine, citant Béjaïa, où un sit-in a été observé hier à la cour, mais aussi Tizi Ouzou, Bouira, Sétif, Oran, Biskra et Ouargla.
«Nous savons quand nous avons commencé, mais nous ignorons à quel moment nous allons arrêter ce mouvement de protestation. Nous attendons la décision de la chambre d’accusation, prévue mercredi prochain, et nous prendrons la décision que nous jugerons opportune», affirme le bâtonnier de Blida.
En tout état de cause, le mouvement de protestation des avocats risque de faire tache d’huile, d’autant qu’à ce jour, aucune partie ou institution n’a tenté de résoudre cette crise qui pénalise, en premier lieu, les justiciables.