Muhammad al-Zawari était connu localement comme un ingénieur aéronautique s’intéressant à la technologie des drones, mais il menait en fait une double vie, dirigeant un projet de développement de drones pour l’aile militaire du Hamas, les Brigades Qassam.
Le 15 décembre 2016, un Tunisien de 49 ans a été abattu devant son domicile à Sfax, à 270 kilomètres au sud-est de Tunis.
Selon l’enquête du site Maghreb Arab News, menée par M. Hammam al-Moussawi, plusieurs parties ont été impliquées dans un complot coordonné contre Zouari, qui jusqu’à sa mort était appelé “Murad” par de nombreuses personnes qui le connaissaient, y compris sa femme.
Hammam al-Moussawi estime qu’il porte toutes les marques d’un assassinat extrajudiciaire aux mains du service de renseignement israélien Mossad, mais ces cas sont connus pour être difficiles à prouver et doivent jusqu’à présent rester des spéculations.
Zouari a quitté la Tunisie pour la première fois en 1991 en tant qu’opposant au régime de Zine El Abidine Ben Ali. Il a pu voyager avec un faux passeport et travailler dans une usine de fabrication militaire au Soudan. Il n’est rentré chez lui qu’après la révolution de 2011 qui a chassé Ben Ali du pays.
Peu après son martyre, le Hamas a annoncé que l’expert en drones avait travaillé avec les Brigades Al-Qassam pendant dix ans. Elles lui attribuent le développement des drones Ababil utilisés contre Israël à Gaza à l’été 2014.
Selon un membre des Brigades Qassam nommé “Abu Muhammad”, “au moment de l’agression israélienne sur Gaza en 2008, l’équipe avait fabriqué 30 drones dans une usine militaire iranienne.” Un autre membre de la brigade, Abou Mujahid, a déclaré que les drones étaient importants pour eux car “nous pouvons les mener précisément contre des cibles militaires et éviter les civils.”
Al-Zawari est crédité du développement des drones Ababil utilisés par le Hamas contre Israël à Gaza à l’été 2014.
Outre la construction de drones, al-Zawari a mené des recherches innovantes sur les sous-marins télécommandés comme dispositifs de combat potentiels pour les Brigades Qassam.
Le journaliste israélien Ma’af Vardi s’est rendu en Tunisie pour enquêter sur l’affaire Zouari. “Il ne s’agit pas d’un assassinat criminel par un gang, ni d’une querelle de voisinage”, dit-il. “Apparemment, Israël a l’intérêt et la capacité de mener à bien une telle opération”.
Il y a eu d’autres assassinats présumés du Mossad en dehors du territoire israélien. Par exemple, Israël a admis sa responsabilité dans l’assassinat, en 1988, d’un éminent dirigeant palestinien, Abou Jihad, de son vrai nom Khalil al-Wazir, à son domicile à Tunis. Le ministre était un ami et un adjoint du président palestinien de l’époque, Yasser Arafat, qui dirigeait l’Organisation de libération de la Palestine.
Le Mossad serait également à l’origine de l’assassinat, en 2010, de Mahmoud al-Mabhouh dans un hôtel de Dubaï. Il était le chef logistique du Hamas au sein des Brigades Al-Qassam. et le fondateur de Septembre noir, Ali Hassan Salameh, ou le Prince rouge, utilisant un véhicule chargé d’explosifs lourds à Beyrouth en 1979.
En mars 2018, deux hommes ont été arrêtés en lien avec le meurtre de Zouari, le Croate Alin Kamdzic et le Bosniaque Elvir Sarak. En mai, la Cour suprême de Croatie a bloqué l’extradition de Kamdzic vers la Tunisie et a libéré Sarak après qu’un tribunal bosniaque a refusé de l’extrader vers la Tunisie, affirmant qu’il n’existait aucun accord d’extradition entre les deux pays.
Tant que les autorités tunisiennes ne pourront pas livrer les deux hommes, l’affaire du meurtre de Mohamed Zouari – quel qu’en soit le commanditaire – ne pourra être résolue.
Depuis la réalisation de ce film, les autorités tunisiennes ont confirmé qu’Elvir Sarak et Alain Kamdzic sont les auteurs du meurtre de Zouari. Le 15 décembre 2018, le porte-parole de la Division judiciaire de lutte contre le terrorisme, Sofian Sleti, a annoncé l’émission de mandats d’arrêt contre les auteurs du crime, à l’exception du refus des autorités bosniaques de les extrader vers la Tunisie pour y être jugés.